LE KARABAGH - Historique

 

LES MENSONGES AZÉRIS

L’historien George Bournoutian, après des années de recherches, a pu retrouver des documents originaux du XIXe siècle, qui prouvent une présence historique massive des Arméniens au Karabagh, et battent en brèche la propagande de Bakou.

Le 21 septembre 2012, une passionnante conférence s’est tenue au Centre Culturel Alex Manoogian de l’UGAB, en présence d’un auditoire attentif et curieux (on notait la présence de Hovhannès Guevorkian, représentant du Haut-Karabagh en France).

Il faut dire que George Bournoutian, debout sur la scène durant son intervention a capté l’attention, s’exprimant en anglais – Julien Zarifian traduisant – et arménien (avec le concours de l’historien Raymond Kevorkian faisant office de modérateur et traducteur).

George Bournoutian, né à Ispahan en Iran, aujourd’hui citoyen américain, professeur à l’Université Iona (New York) est l’historien qui, avec une vingtaine d’ouvrages, a le plus produit aux Etats-Unis concernant l’histoire des Arméniens. C’est le dernier : « The 1823 russian survey of the Karabagh province » qui fut l’objet de la conférence.

Pour répondre, scientifiquement aux allégations des chercheurs azéris prétendant que la présence arménienne au Karabagh était historiquement embryonnaire voire nulle, George Bournoutian s’est appuyé sur les rapports de 1823 de l’administration russe, dont seuls une poignée avaient survécu aux péripéties de l’histoire et se trouvaient conservés à Moscou, Erevan ou Tbilissi. En effet, en 1805 le khanat du Karabagh au sens large — il comprenait outre l’Artsakh actuel d’autres régions comme celle du Siunik — est passé sous protectorat russe ; province perse, il sera finalement annexé à l’empire en 1822.

Dès l’année suivante un recensement est demandé à deux officiers russes : il s’agit pour Moscou de lever l’impôt sur ces nouveaux sujets. Il en ressort 35 registres édités par l’administration russe à Tiflis. Ces documents qui servent de base à l’étude de George Bournoutian, font état de la composition de la population du Karabagh formée d’Arméniens, de Tatars et de nomades ; on y retrouve également le registre des impôts. Autant de preuves d’une présence massive et ancienne des Arméniens dans cette région.

Des données chiffrées qui battent en brèche les allégations publiées à Bakou par l’historien Zia Buniatov après 1988 affirmant que les Arméniens étaient arrivés en nombre au Karabagh après la naissance de l’URSS. Pour contredire cette thèse existent des documents géographiques, historiques et de voyage, textes rédigés en grec, russe, allemand et anglais qui situent clairement le Karabagh dans l’Arménie historique.

Il est même des chroniqueurs musulmans du XVIIIe siècle, comme Bakikhanov ou Mirza Jamal, qui en rendent compte dans leurs ouvrages, battant en brèche les affirmations de l’académicien azéri Zia Buniatov qui affirmait que les deux cents premières familles arméniennes se seraient établies au Karabagh après la signature en 1828 du traité de Türkmentchaï entre l’Iran et la Russie. Riches des subvention versées par le catholicossat, ces nouveaux arrivants auraient acheté les terres de pauvres Azéris et facilité ainsi l’implantation de centaines d’autres familles arméniennes. Voilà pour certains des arguties développés par les historiens contemporains de Bakou.

Or la seule présence de nombreuses églises bâties bien avant 1828 prouve l’ancienneté du peuplement arménien. D’autres documents, dont les données sont souvent travesties pour des raisons politiques évidentes, attestent de cette présence. Comme ce rapport fait au grand électeur du Palatinat en 1699 qui mentionne une armée de 100 000 Arméniens au Karabagh et au Zanguézour, prête à se joindre aux armées d’Europe en lutte contre l’empire ottoman.

En 1720, les « meliks » arméniens du Karabagh demandent l’aide du tsar Pierre le Grand pour lutter contre les Ottomans, promettant l’appui de 12 000 hommes armés.

Concernant ces derniers documents George Bournoutian regrette qu’ils ne puissent être scientifiquement corroborés. Ce qui n’est pas le cas du recensement de 1828 au Karabagh. Après avoir longtemps cherché les registres dont il possédait une copie incomplète de quelques pages, il se procure finalement une réédition publiée à Bakou en 2003, qu’il compare avec les copies partielles en sa possession des registres originaux. Surprise !

Les documents ne sont pas publiés en fac-similés mais ont été entièrement recomposés; de plus l’introduction en mauvais anglais est pleine de tirades anti-arméniennes. De quoi éveiller la suspicion ! Finalement les efforts de George Bournoutian sont couronnés en 2010. Il reçoit une copie parfaite des registres de 1823 de la Bibliothèque nationale russe (ex-Lenine). En comparant ces originaux avec l’édition de Bakou, il constate qu’au-delà de la myriade d’erreurs typographiques qu’elle renferme, les noms arméniens de nombre de villages et le teme arménien en général ont été tout bonnement éliminés de la publication de 2003.

Les documents, qu’il a traduit du russe en anglais, grâce à une bourse Marie Manoogian, sont l’exacte reproduction des documents originaux ; il y signale les erreurs et tripatouillages de la version de Bakou.

Les documents de 1823, enfin complets, corroborent, six ans avant le traité de Turkmentchaï, la forte présence arménienne au Karabagh. Ils concernent le paiement de l’impôt par les nouveaux sujets du tsar : Arméniens, Tatars, nomades, dans tous les villages –300 environ- et contrées de pacage –375- du Karabagh qui comprenait également le Zanguézour. Selon ces registres, 18 563 familles y vivaient : 5451 familles arméniennes, 4 513 tatares, 8 519 nomades ; soit en pourcentage 46 % de nomades, 30 % d’Arméniens, 24 % de Tatars.

Les Arméniens représentaient donc la majorité des sédentaires. Le Karabagh était constitué de 20 « mahals » : huit à majorité arménienne, six à majorité nomade, deux, tatare, quatre présentant un peuplement mixte. Les divisions à majorité arménienne étaient Goletsan, Khachen, Jraberd, Dizak, Varanda, qui feront partie plus tard du Nagorno-Kharabakh, plus Tatev, Sisisan et Kyupar, ces trois dernières dans l’actuel Zangézour. Dans les cinq premiers « mahals », on comptait 1 536 familles arméniennes dans 65 villages contre 53 familles tatares vivant dans deux villages, soit 96,7% d’Arméniens pour 3,3% de Tatars. Dans les trois autres « mahals», les familles arméniennes représentaient 86% de la population.

Selon les historiens azéris d’aujourd’hui, les Arméniens auraient peuplé Shushi et le Karabagh après 1828. Or les documents de 1823 concernant les impôts, constituent une autre approche méthodologique indéniable. En 1822, 55% des familles arméniennes y étaient soumises, contre 44% des familles tatares et 38% pour les nomades. Pauvres, orphelins, veuves, hommes d’église n’y étaient pas soumis. Sur le total des impôts versés au tsar, en argent et nature, les Arméniens en ont payé 53%, les Tatars 30% et les nomades 17%. On note que les Arméniens forme le groupe qui payait le plus d’impôts per capita.

Preuve qu’ils constituaient la communauté la plus prospère. Ils occupaient les métiers artisanaux tels que cordonniers, tailleurs, chapeliers, joaillers, et exerçaient les professions de musiciens, médecins, commerçants, agents de change. De plus, ils étaient les seuls producteurs de vin, autre preuve d’une implantation ancienne. Les Musulmans, considérant impurs les chrétiens, se dédiaient à la cuisine, l’épicerie, la vente de nourriture.

Et ils occupaient les postes de bibliothécaires et de fonctionnaires. Cependant les deux groupes avaient leurs propres bouchers, boulangers et coiffeurs. On le voit : « l’économie vibrante » du Karabagh selon l’expression de George Bournoutian, avant l’annexion par la Russie, était largement dominée par les Arméniens.

La conférence de George Bournoutian qui a présenté son travail, avec l’appui de l’UGAB, aux Etats-Unis, au Canada, en Arménie, à Shushi et différents pays européens, aura permis d’apporter des preuves scientifiques à une question qui empoisonne les relations dans le Caucase. Son livre devrait servir d’argumentaire, -souhait émis par un participant à la soirée-, pour les hommes politiques, la presse de notre pays en butte aux arguties déversées par l’Azerbaïdjan à partir de documents manipulés.

Christian Kazandjian
dans UGAB EUROPE

http://fr.agbueurope.org/2012/10/23/conference-des-documents-pour-reveler-les-mensonges-azeris/