PÈRE KOMITAS : moine et musicien.
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grand musicien" |
Le père Komitas,
héros du folklore oublié
|
Père de la musique arménienne
Le Sauveur du Chant Arménien.
Soghomon Soghomonian
est né dans les anciens territoires arméniens à Kutahya, le 26
septembre 1869, dans une famille modeste néanmoins imprégné de
musique religieuse.
Orphelin de mère à un an et de père à onze ans. Remarqué par sa
vivacité mentale et sa voix, il est envoyé en 1882 à Etchmiadzine
(siège du Patriarcat des Arméniens). Il y fait des études de
théologie et enthousiasmé par la richesse de la musique, il étudie
la musicologie.
Ordonné prêtre en 1892, et selon la tradition de l’Eglise
arménienne il prend désormais le nom de Komitas, qui lui est
donné par son protecteur moral, le Catholicos Khrimian,
en mémoire d’un Catholicos du 7ème siècle, qui fut
également musicien.
En 1893, il est nommé professeur de musique du séminaire
d’Etchmiadzine.
En 1896, il est nommé « Vartabed », (docteur en théologie).
Remarqué pour ses dons de musicien, un mécène envoie le jeune
Komidas à Tiflis, qui était un centre culturel arménien, pour y
parfaire ses connaissances musicales avec deux autres grands noms de
la musique arménienne : Chrisdapor Kara- Mourza (1853 – 1902)
et, Makar Ekmalian (1855 – 1905) qui avaient déjà
commencé à recueillir les chants liturgiques. Il continue sa
formation de musicologie jusqu’en 1899, au Conservatoire de Berlin,
où après trois ans il est « docteur en musicologie».
A son retour en Arménie, à Etchmiadzine, en 1899, il parcourt
inlassablement les provinces arméniennes pour recueillir et
collecter de la bouche même des habitants, les chants traditionnels
et les transcrire en musique. C’est une richesse universelle de
l’art musical transmis de génération à génération à travers les
diverses provinces qu’il pérennise. Le Père Komidas aurait percé le
secret de l’écriture musicale du XIIIème et XVème siècle tombé dans
la désuétude. Il les restitue dans leur pureté originelle. Et, peu
avant le cataclysme, il a recueilli
près de 3 000 pièces musicales. Les deux tiers ont malheureusement
disparu, mais ce qu’il en reste demeure un véritable trésor du
patrimoine.
Compositeur, il est l’auteur d’une « Messe », qui est une pure
merveille.
Maître de chœur, il forme des élèves et fait connaître par des
concerts la musique arménienne. Il donne des concerts en Russie, en
Italie, en Autriche, en Allemagne, en Suisse et à Paris en 1906, où
il dirige les chœurs des Concerts Lamoureux, qui a été un
émerveillement général. Là, il rencontre un autre génie de la
culture arménienne Archag Tchobanian (1872 – 1954), qui
s’était exilé en France en 1895, car il n’avait pas confiance dans
le régime ottoman.
Il a été le fondateur du Mouvement Arménophile en France.
De retour à Etchmiadzine, en 1907, il trouve une atmosphère
hostile à son égard. Son originalité embarrassa les esprits
conservateurs de l’Eglise et de la communauté arménienne.
Il crée une école de musique à Constantinople en 1910, et
fonde la célèbre Chorale Mixte« Goussan » (Barde).
De nouveau à Paris, en 1914, il enregistre des chants par le procédé
phonographe, en 78 tours, il donne des conférences sur la musique et
se produit à la Cathédrale Saint Jean Baptiste, de la rue Jean
Goujon.
Il donne un concert à Constantinople le 13 avril 1915,
avec ses 300 choristes. Ce fut un immense succès.
11 jours plus tard, le
24 AVRIL 1915.
C’est
le début du premier génocide du XXème siècle.
Victime de la barbarie des turcs, pour qui les talents artistiques
de nos compatriotes semblaient être des crimes impardonnables, il
fait partie de la rafle des 800 intellectuels arméniens, organisée
par Talaat Pacha*, puis déporté dans les déserts de l’Empire
ottoman, au camp de Tchanguiri.
Il doit son retour miraculeux à l’intervention de diplomates
occidentaux, dont l’Ambassadeur des Etats-Unis, qui ne pourront pas
cependant sauver l’essentiel : ses amis ont perdu la vie lui, il a
perdu sa raison devant les atrocités et les tortures dont il a été
le témoin, ainsi que par le pillage et la destruction de ses
travaux, notamment sur le système de la notation musicale du XIème
siècle.
Ses troubles mentaux ont commencé en, 1916, un an après ces
douloureux événements
Il sombre dans une terrible dépression accompagnée de troubles
mentaux.
Tout le monde pensait qu’il avait été profondément impressionné par
la peur durant sa déportation.
En effet, il s’était produit un fait qui a une grande
responsabilité.
A la demande de ses codétenus, le Père Komidas leurs chante des airs
traditionnels. Irrité, un soldat turc l’a violement frappé sur la
tête et sur le dos.
Il a été blessé, impressionné et surtout s’est senti très humilié.
Il faut aussi rajouter, qu’il avait été déçu de ne pas avoir été
reçu triomphalement reçu par ses compatriotes lors de sa libération.
Il ne fut pas donné à tous les arméniens de saisir le génie
intellectuel et l’audace artistique de Komidas.
A leurs décharges on peut penser qu’ils avaient des problèmes
de survie à surmonter à cette époque.
Invité à participer à une messe par l’Archevêque Hovsèp de
Constantinople, celui-ci a vu soudain le Père Komidas pleurer devant
l’autel lorsque la chorale chantait « Seigneur ouvre tes
portes ». A ce moment ses yeux s’élevaient vers le haut avec
une sensation de peur qui lui rappelait les moments de souffrances
qu’il avait enduré. Ce même jour il est retourné chez lui et a
continué à pleurer sans cesse. Son vieux cuisinier et un voisin
pensant que ce n’était pas normal ont appelé son ami de déportation
le Dr Torkomian, bien connu dans le milieu stambouliote pour
son dévouement, qui a voulu lui administrer quelques calmants.
Mais le Père KOMIDAS a refusé de les prendre.
Etait-ce qu’il lui rappelait de mauvais souvenirs ? Il
semblerait plutôt qu’il a eu peur du médecin, car c’est lui qui l’a
fait hospitaliser ; et de plus, il lui avait recommandé de ne plus
s’occuper de musique afin qu’il prenne un peu de repos après des
années de dur labeur et de souffrance.
Il avait semble-t-il plus confiance aux jeunes qu’aux
personnes âgées car, il a bien voulu les accepter ensuite, lorsque
les remèdes ont été présentés par le fils de son proche ami, le
peintre Panos Terlémézian, qui a fait le célèbre
portrait de Komidas en 1913. Il avai participé à l’autodéfense de
sa ville natale : Van.
Deux semaines après, la situation empirait. Ses amis, inquiets,
sont allés le voir discrètement : Komidas était à genoux et priait
en implorant le ciel.
Il répétait sans cesse qu’il avait un chat dans son ventre qui le
griffait et lui occasionnait d’atroces douleurs.
Les semaines ont passé, au printemps 1916, il semblait que les
beaux jours arrivant, il reprenait un peu de vigueur. Il a montré
des signes de guérison qui réjouissaient son entourage. Il avait
retrouvé ses facultés. Il a même accepté une invitation chez un ami
musicien, où il a repris son travail de composition et de création,
comme avant. Tous ses amis étaient heureux, car il avait retrouvé
toute son inspiration la musique arménienne, et il exprimait la joie
d’avoir retrouvé sa confiance en la vie.
Il compose les Danses Arméniennes et les Danses de Mouch.
Mais c’était l’accalmie avant la tempête.
A la fin de l’été, il a de nouveau donné des signes de mélancolie
et de pertes de personnalité. Il montrait maintenant des signes
anormaux de colère sur tout. Il se parlait à haute voix. Il a
commencé rapidement à refuser les visites. Il ne voulait plus se
nourrir. Il fixait l’eau coulant de la fontaine du jardin sans
regarder ailleurs. Il répétait que des animaux l’attaquaient et se
mettait au lit en s’enfermant sous ses couvertures. La peur le
poursuivait.
Ses relations et ses liens avec le monde extérieur étaient
complètement éteints. Et son entourage est de nouveau très inquiet.
Il est d’abord hospitalisé en 1917, contre sa volonté, à
« l’Hôpital Français de la Paix » de Chichli, en Turquie, où il est
soigné par son collègue de déportation, le même Dr Torkomian.
Curieusement il ne voulait s’entretenir ni avec lui, ni avec aucun
médecin.
Il était dans un mutisme complet. Il ne voulait plus parler. Et les
rares fois qu’il s’exprimait il parlait en turc, pensant qu’il avait
été déporté parce qu’il était arménien et, s’occupant de musique
arménienne il était mal considéré par les autorités turques. Et
même, lorsque ses amis lui rendait visite et qu’ils lui parlait en
arménien, il se mettait en colère et leurs criait en turc :
« Vous êtes des diables, la langue de
votre pays est le turc. Pourquoi ne parlez-vous pas le turc » ?
Par contre, il passait des heures à discuter avec le Dr Konos, un
psychiatre grec.
Il devait penser que, comme les arméniens, les grecs aussi avaient
subi des misères et cela le rapprochait de lui.
Le Président du Conseil National de la jeune République
d’Arménie, Avédis AHARONIAN, en visite en1918 à
Constantinople, où il dirigeait les négociations de paix avec les
turcs, inquiet de la santé du Père Komidas, a demandé à lui rendre
visite. Dès qu’il le vit, le Père courut vers lui et, lui dit en
l’embrassant :
« Quelles nouvelles de notre Patrie ? Le Catholicos va
bien » ?
Et, pendant vingt minutes, il eut avec lui la conversation d’un
homme parfaitement sain d’esprit. Mais, peu à peu il sombra à
nouveau dans un mutisme complet.
Les signes de dérangement intellectuels étaient de plus en plus
apparents.
Il retombe dans une terrible dépression, accompagné de troubles
mentaux.
En 1919, ses amis le transfèrent, toujours contre sa volonté,
mais par nécessité, en France, pour être interné à Ville –Evrard de
1919 à 1922, puis à l’Hôpital psychiatrique de Villejuif, où ils
espéraient le voir guérir.
Il y recevait de nombreuses visites, aussi bien de simples gens
que, des intellectuels, sans toutefois manifester une grande joie.
Lorsque l’un d’eux, au moment de partir, lui dit au revoir et qu’il
reviendra de nouveau, Komidas lui a répondu : « Lorsque tu
reviendras, je ne serai plus là. Je suis en route pour un long
voyage »
La maladie a été un poignant malheur qui s’est abattu, sur
lui, mais aussi sur les Arméniens et la musique arménienne.
Affaiblit, il a rendu l’âme à Paris, le 15 octobre 1935, après
20 ans de douloureux silence.
Sa dépouille mortelle repose en paix en Arménie depuis 1936.
L’Académie de Musique de Erevan porte son nom.
Une
statue est érigée en son hommage à Erevan, mais … aussi … à Paris,
grâce à l’intervention d’hommes politiques épris de justice.
Cette magnifique statue de bronze, haute de six mètres, œuvre du
sculpteur
David Yerevantsi,
a été inaugurée à la date anniversaire du génocide, le 24 avril
2003, dans un site prestigieux, Place du Canada, dans le 8ème
arrondissement, par le Président Français, Jacques Chirac et par le
Président Arménien Robert Kotcharian, ainsi que par le Ministre
Patrick Devedjian, par le Maire de Paris, Bertrand Delanoë, Charles
Aznavour, et même par l’éditeur turc : Ragip Zarakolu.
Il reste, une richesse universelle de l’art musical, père et maître
de notre musique populaire et nationale, il est une source
d’inspiration pour les musiciens contemporains.
Recueilli par
Garbis
Nigoghossian : 22
décembre 2008.
haut
Le
Grand Musicien .
Durant un
concert ayant eut lieu dans une des grandes salles de spectacles
parisien, participaient des musiciens renommés, venant de nombreux
pays étrangers. Ils se sont succédés sur scène chacun, avec son
instrument de musique national, afin d’interpréter, et de chanter
deux morceaux, selon les conditions données par le jury.
Puis vint
le tour du musicien arménien.
Il gravit
lentement les marches le conduisant sur scène, portant un long
vêtement noir qui descendait jusque ses pieds, coiffé d’un chapeau
et, n’ayant aucun instrument en main.
Des
murmures de stupeur, de reproche et de mécontentement s’élèvent dans
la salle.
Les spectateurs
sont étonnés.
Comment,
un homme si simple, si ordinaire, et sans réputation, n’ayant aucun
instrument en main, pouvait espérer concourir avec des musiciens de
réputation mondiale ?
Calmement, il a alors ôté une petite flûte (srink) de sa poche
intérieure, l’a porté à ses lèvres et a commencé à interpréter « L’appel
du Monde ».
Cette
simple mélodie, était si douce qu’elle a attirée l’attention des
auditeurs.
Il semblait
qu’elle les avait envoûtés, et emportés au pays où était née cette
magnifique mélodie.
Ceux qui
n’avaient jamais vu l’Arménie sont restés sous le charme. Ils se
sont sentis transporté par l’esprit, vers le pays des montagnes. Par
ces intonations enchanteresses, ils se sont sentis attiré vers les
cimes qui s’élèvent vers les cieux, senti le souffle du vent sur
les rochers inexpugnables, entendu le murmure des sources et des
rivières qui coulent vers les champs verdoyants et les vallées
fleuries.
La salle
restait muette, comme paralysée, pendant que le musicien jouait…,
jouait.
A la fin du
morceau, le silence régnait dans la salle, les spectateurs n’osaient
bouger, et
même,
attendaient une suite.
Alors le
musicien a ensuite entamé la chanson « Mogats Mirzé ».
Il semblait que
le chanteur fondait et s’embrasait, tout comme il faisait fondre et
embraser les auditeurs.
Puis, .
. . le silence. C’est la fin de la chanson.
C’est sous le
poids de longs et chaleureux applaudissements qui l’accompagne, que
le jeune musicien arménien a reçu, triomphalement, le premier prix :
une montre en or.
Cet homme était . . . le PERE KOMIDAS .
Son nom de
baptême était Soghomon Soghomonian (1890 – 1935).
Il fut,
musicien, chanteur, chef de chorale et professeur de musique.
Il aimait les
chansons populaires, transcrivait les paroles et les musiques et les
améliorait. Parmi les milliers de chansons, rappelons les célèbres :
« Grounk,
Gakavik, Dzirani Dzar, Gouj n’ara, Sona yar » et des
musiques religieuses.
Traduit
de Haratch du 24/02/09 par Garbis Nigoghossian
haut
Lire l'article de "The Gardian du 21 Avril 2011
"Le père Komitas, héros du folklore oublié".
Tableau de Gomidas, exposé au Musée d'Histoire
de Erevan.
A droite, on voit vers quoi se tourne son regard,
en l'occurrence, des soldats turcs à l'air terrifiant qui poussent
la porte de sa chambre... (il s'agit d'une hallucination, puisque
sur ce tableau on le dépeint après qu'il ait sombré dans la folie...
il est ainsi pourchassé par la terreur des Turcs, ne pouvant s'en
sauver même dans la démence...)
Note de Me Haytoug Chamlian
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