Alexandre Adler : un avocat pour la Turquie…
DR . A. AGOPIAN  Président de l’Association AZADAKROUTIOUN

Alexandre Adler est un homme honorable, cultivé et intelligent. Il a de très fines et intéressantes analyses sur la Géopolitique Mondiale et ses réflexions sont non seulement pertinentes, mais souvent très morales et justes.

Mais je ne sais pas pourquoi, à chaque fois qu’il a l’occasion de parler de la Turquie et cette occasion là, il la prend très souvent, il se décrédibilise ridiculement.

A chaque fois, je voulais lui écrire, mais finalement je ne me le permettais pas. Aujourd’hui, après ce qu’il s’est lui permis d’écrire, ne pas lui répondre, alors que tout ce que je vais écrire ici est mon intime conviction, serait devenir son complice et ne pas dénoncer un négateur de réalités et un travestisseur sophistiqué.

Certes, Monsieur Adler ne dis jamais que la Turquie est un état exemplaire, non, j’ai déjà écris plus haut qu’il a des positions pertinentes, souvent morales et justes, mais la Turquie a toujours une bonne raison pour lui de ne pas être comparé à d’autres états non-turcs,  et de toute façon et systématiquement, il accorde des circonstances atténuantes à ce pays.

La Turquie est l’héritière de l’Empire Ottoman, responsable du Génocide des Arméniens de 1915, certes, mais il y a tellement de raisons pour ne pas le lui reprocher.

La Turquie massacre les Kurdes, mais les Kurdes y sont moins malheureux qu’en Iran ou en Irak. (Avec quel instrument de mesure, Alexandre Adler arrive-t-il à quantifier le malheur des Kurdes de Turquie, d’Iran ou d’Irak?)

La Turquie n’est pas un état démocratique. Mais la Démocratie est une quête de toujours qu’aucun état au monde n’a encore atteint.

La Turquie organise l’échouement d’un bateau rempli d’un millier de réfugiés kurdes sur les côtes françaises. Tout le monde le sait. Mais, pour Alexandre Adler, ‘c’est un pur hasard’. Mais de toute façon, c’est parce que la gentille Turquie a voulu faire du bien aux malheureux kurdes d’Irak qui souffrent le martyr dans ce pays. Et puis, c’est la faute à la France qui n’a pas su prévoir.

La répression politique antikurde existe en Turquie, mais elle est ‘indirecte’, alors qu’elle est ‘directe’ en Iran et en Irak. 

Et enfin, la perle rare, la phrase la plus cynique et amorale que l’occasion m’ait été donnée de lire sous la plume d’Alexandre Adler. Asseyez-vous si vous êtes debout. Prenez soin d’éloigner les personnes sensibles et lisez : « Une nouvelle fois, la Turquie a été humiliée par le vote du Parlement français sur le génocide arménien que rien n’imposait vraiment, (même si la réalité atroce de ce génocide de 1915 n’est, elle, pas en cause). »

Vous avez bien lu, vous ne rêvez pas, ce n’est pas un représentant de l’état turc qui écrit, non, c’est Alexandre Adler, un intellectuel français. Vous voulez relire, relisez : « Une nouvelle fois, la Turquie a été humiliée par le vote du Parlement français sur le génocide arménien que rien n’imposait vraiment, (même si la réalité atroce de ce génocide de 1915 n’est, elle, pas en cause). »

Et oui, on a du mal à croire et c’est pourtant vrai et imprimé noir sur blanc dans la chronique du quotidien La Provence du 21/02/01, sous la signature et la photo d’Alexandre Adler.

La subtilité et la malignité sont exquises. Alexandre Adler n’est pas un négationniste du Génocide des Arméniens puisqu’il prend la précaution de dire, même si c’est entre parenthèses, que la réalité atroce de ce génocide n’est pas en cause. Mais, ce génocide, peu importe qu’il ne soit pas condamné. Le Droit de Mémoire pour les Arméniens, Alexandre Adler, il ne nous l’accorde pas. Et dire que nous croyions que c’était même un devoir. Quant au Droit ou au Devoir de Justice, nous ne devons même pas en rêver.

Non. Pas nous Arméniens.

Adleriennes, Adleriens, condamnons la représentation nationale française qui a osé humilier un état pas plus mauvais qu’un autre et cela sans que rien ne l’imposât. Rien. 1.500.000 martyrs ne sont rien, puisqu’Arméniens. Puisque l’auteur de ces crimes est turc, par conséquent au-dessus des autres. On croirait lire Arpaslan Turkesh, le chef panturquiste des Loups Gris de son vivant. Rien. Mes grands-parents, ma famille, presqu’entièrement massacrés et cet anéantissement répété autant de fois ou presque qu’il y avait d’Arméniens dans l’Empire Ottoman, c’est rien. Rien. Soudain un doute me prend, est-ce que je connais bien le sens du mot ‘RIEN’, quatre lettres, quatre simples lettres qui jusqu’à ce jour n’avaient pas attiré spécialement mon attention sur leur sens, mais qui n’arrêtent plus de résonner dans ma tête depuis que j’ai lu ces lettres, ce mot dans l’article d’Adler. Et j’ouvre le dictionnaire, le Petit Robert, à la page 1717 et je constate en lisant sur une page et demi, que finalement je savais ce que rien voulait dire, rien… Et, j’ai pleuré, moi qui ne pleure jamais ou presque, la dernière fois que j’avais pleuré c’était pour le décès de ma mère.

Rien. Néant. Bagatelle. Bêtise. Niaiserie. Le contraire de quelquechose, de tout, de beaucoup. Rien. Nous ne sommes rien. Notre tragédie ce n’est rien.

Pourtant sans le savoir, bien avant la Seconde Guerre Mondiale et Lemkin, les rescapés arméniens du néant avaient inventé les mots de Génocide et de Shoah, en arménien ; ‘Tseghassbanoutyoun’ et ‘Ahged’. Sans le savoir, eux qui n’étaient rien avaient inventé les mots les plus utilisés au monde depuis le Génocide du Peuple Juif par l’Allemagne Nazie. Comme quoi, le rien, c’est déjà quelquechose.

Et puis, j’ai essayé d’imaginer une seconde, ce que diraient les juifs, si on leur expliquait que rien n’imposait Nuremberg, mais je n’ai pas pu. Cela aurait était indécent, injuste et inique. Mais, nous qui avons failli avoir nos Nuremberg, mais que finalement, nous n’avons pas eu, à cause des intérêts des superpuissances de l’époque, Alexandre Adler ne nous accorde malgré 85 ans de silence, même pas une déclaration de l’Assemblée Nationale Française comme sépulture morale pour nos martyrs. Assemblée Nationale qui avait pourtant oublié de nommer le bourreau, mais le bourreau s’est très vite reconnu et a appelé ses avocats au secours.

Nous avons bien compris qu’en ce qui concerne la Turquie, Alexandre Adler ne se comporte plus en analyste objectif, mais en défenseur, en avocat, et l’on sait qu’un avocat défend aussi bien la victime que le bourreau. Et me viennent immédiatement à l’esprit les propos qu’Arno Klarsfeld a tenu il y a quelques semaines dans l’émission de Thierry Ardisson sur France2. Il disait en gros et de mémoire :‘Je suis avocat de formation, je suis inscrit dans plusieurs barreaux, mais je n’arrive à exercer ce métier que lorsque la Cause est juste, je n’arrive pas en faire une profession au quotidien, un avocat doit mentir et cela me gêne, je ne plaiderais que ce qui en vaut la peine’. Et nous, en bons démocrates que nous sommes, nous sommes d’accord que le bourreau ait aussi droit à un avocat, mais il faut qu’Alexandre Adler le dise ouvertement. Et l’on sait aussi qu’un avocat touche des honoraires, qui sont légitimes, car tout travail mérite salaire, mais le tout est de le dire aussi et de le déclarer au fisc. A moins que…Alexandre Adler ne soit inscrit qu’au barreau de la Honte…

DR . A. AGOPIAN  Président de l’Association AZADAKROUTIOUN