La Légende arménienne
poème de Rouben Mélik

La légende arménienne au coin de la misère,
Sur le disque cassé des nuits occidentales,
Dans les chambres d'hôtel aux murs des cathédrales
La légende arménienne a bercé la lumière.

La légende arménienne aux lèvres de la mer,
Aux rêves de l'enfant dans les villes sans rues,
Dans les mains sans travail dans les bouches vaincues,
La légende arménienne enterre sa misère.

C'est la légende aux trois mille ans des émigrés,
Chambres d'hôtel pavés de bois et les vieux ports,
Et les carreaux du ciel sur les fronts séparés,
Chambres d'hôtel des Arméniens et passeports.

La légende arménienne aux pas des capitales,
Aux doigts de la danseuse, au village oublié,
Sur les cordes du thâr, au village oublié,
La légende arménienne aux pas des capitales.

Plaines de l'Orient et les noms familiers,
Dans les miroirs du temps sur les portes en croix
Dans les rires les pleurs les livres les cahiers
C'est la légende à la page une ou trente-trois

C'est la même légende au fond des ressemblances
Des trois mille ans des trois millions de l'une ou l'autre
Dans l'une ou l'autre nuit au fond des espérances,
La légende arménienne est la nôtre et la vôtre.

La légende arménienne aux murs des cathédrales
Dans la seule montagne enterre sa misère,
La légende arménienne a le point de lumière
Et donne le soleil aux plans d'hydrocentrales.

(La Procession – 1942-1984
Ed. messidor- Temps Actuels & Rougerie)