L’école Markarian-Papazian à
Lyon
Achkhar
poursuit son enquête sur les écoles arméniennes de France
- mai 2006

J’ai eu le privilège de
visiter l’école Markarian-Papazian, d’admirer en passant, la
propreté irréprochable des lieux, et d’avoir un accueil très
chaleureux, digne de l’hospitalité arménienne, de la part de
Monsieur Maurice Gazarian, président de l’Organisme de Gestion de
l’Ecole Arménienne (O.G.E.A) et de Madame Françoise Debay,
directrice de l’école.
Achkhar :
Nous allons commencer par un historique : quelle est l’année de
création de l’école ? Qui en eut l’initiative ? Pourquoi ? Et avec
quels moyens ?
L’école a ouvert ses
portes en 1988, sur l’initiative de Mgr Zakarian qui s’était
rapproché à l’époque de Mgr de Courtray, Evêque de Lyon et de M.
Pin, membre de la direction de l’Enseignement catholique. Ces deux
personnes ont permis à l’école Markarian-Papazian d’intégrer
l’école catholique.
L’amitié entre Mgr
Zakarian et Mgr de Courtray a permis la création de l’école. Ce
dernier avait recommandé M.Roussel, lequel a montré le chemin à
suivre pour sa gestion. On peut d’ailleurs rendre hommage à M.
Roussel qui fut le 1er président de l’O.G.E.A .
L’école n’aurait jamais pu
être édifiée sans l’aide des bienfaiteurs, surtout Madame
Markarian., la bienfaitrice initiale qui a assuré toute la base
financière. Ensuite nous avons obtenu l’aide de toute la
communauté arménienne.
Justement
,quels sont vos moyens de
fonctionnement aujourd’hui ?
Nous percevons l’aide de
toutes les associations arméniennes, notamment Le Fonds Arménien
de France, la Fondation Gulbenkian, la Fondation Léa et Napoléon
Bullukian, le C.E.L.E.F.A (Cercle Lyonnais des Femmes
Arméniennes), l’UNEAAL (l’Union National de l’Eglise Apostolique
Arménienne), l’UGAB.
Bénéficiez-vous
de subventions extérieures?
Au début non, mais
ensuite, un contrat a été signé avec l’Education nationale de
sorte qu’elle a pris en charge le salaire des enseignants
français. Il faut préciser que l’école est également rattachée à
la Direction de l’Enseignement Catholique, et à l’ensemble des
écoles de l’enseignement catholique, ce qui lui offre aussi
certains avantages. En revanche, les professeurs d’arménien sont
rémunérés par l’O.G.E.A, de même que l’indemnité de direction
puisque l’Education Nationale ne rétribue pas les directeurs de
l’éducation privée.
L’O.G.E.A prend également
en charge le salaire du personnel de surveillance, et la majeure
partie du transport scolaire qui demeure très onéreux et grève le
tiers du budget :
l’école Markarian-Papazian
est une école d’agglomération et non de quartier. Les enfants
viennent de tous les environs, (Meyzieu, Décines, Rilleux,
Villeurbanne…). Ainsi l’école met à disposition deux cars
confortables et climatisés qui assurent chaque jour le ramassage
des élèves sous la surveillance d’accompagnatrices .
Combien
d’élèves sont inscrits ? Est-ce que la contribution des familles
suffit à couvrir les frais de gestion ?
En 1988,ils n’étaient que
8 élèves. Cette année, ils étaient 180 et nous en attendons 191
pour la rentrée prochaine.
Il existe un tarif de
base qui s’élève en moyenne à 79 euros par mois . La contribution
de chaque famille est calculée en fonction de ses revenus.
Si les parents ont peu de
moyens, ce n’est pas un obstacle. M.Gazarian essaye toujours de
trouver des arrangements. En plus il existe une solidarité de la
part des parents : ceux qui en ont la possibilité donnent plus
pour pallier au manque à gagner.
Il ne faut pas oublier que
notre école a cet aspect religieux qui fait que l’on doit se
montrer charitable et venir en aide aux familles démunies.
La facture mensuelle
comprend le prix de la scolarité, la cantine, l’infime partie du
ramassage scolaire et une participation revenant aux intervenants
extérieurs pour certaines activités.
(Les familles domiciliées
à Lyon peuvent obtenir une aide de la municipalité pour la
cantine).
La majorité des
inscriptions sont établies par les Arméniens de France, désireux
que leurs enfants retrouvent les racines. On trouve beaucoup de
couples mixtes, et quelques familles uniquement françaises
habitant le quartier et qui, suite aux portes ouvertes, ont été
séduites par la beauté de l’établissement, l’ambiance chaleureuse
et surtout les excellents résultats.
Beaucoup de familles sont
originaires du Moyen-Orient et d’Arménie. Si la communauté
arménienne continue à vivre dans la région c’est grâce à ces
familles qui viennent renforcer l’arménité. Aujourd’hui, nous
assistons au sein de l’école à un véritable brassage entre celles
qui ne parlent pas l’arménien chez eux et celles qui le parlent
exclusivement
Le succès des
inscriptions entraîne à ce jour une liste d’attente en maternelle
petite section. Il faut savoir que l’on n’accepte pas d’inscrire
un enfant à partir du cours élémentaire, étant donné que
l’arménien est enseigné dès la maternelle. Un enfant inscrit
seulement en cours élémentaire ne pourrait pas suivre.
Quelle
est l’atmosphère dans les classes ?
Les rapports entre les
enfants sont empreints de fraternité. Par exemple : une petite
fille arrivée récemment a été immédiatement accueillie et prise en
charge par ses camarades.
Autre exemple: lorsque
j’enseigne en français, un élève va traduire à son camarade qui
ne comprend pas. Il existe ainsi beaucoup d’entraide entre les
enfants.
De nombreux élèves ne
parlent pas français à la rentrée et dès le mois de décembre ne
parlent même que le français !
Il n’y a pas d’actes de
violence ou d’agressivité entre eux. La discipline règne, grâce
aussi aux parents qui sont en accord avec le règlement de l’école,
et les décisions disciplinaires des professeurs. Il y a un suivi
des parents à la maison.
Concernant les enseignants ,
j’exige de leur part une attitude chrétienne, ils
doivent arriver avec le sourire et dire bonjour !
En effet, si la maîtresse
arrive le matin avec un regard triste, les enfants ne passeront
pas une bonne journée. Je tiens également à la convivialité entre
enseignants pour que les enfants se sentent bien.
L’école est connue pour sa
convivialité. Le personnel se donne à l’esprit d’équipe et au
respect de chacun. Il n’existe pas de barrière hiérarchique et il
règne une forte entraide entre collègues, l’O.G.E.A et Mgr
Zakarian.
Quelles
sont les matières enseignées ?Comment réagissent les Français de
souche ?
Tout
d’abord nous dispensons une heure par jour d’Arménien.
L’encadrement est arménien : les aides maternelles, le personnel
de cantine et les accompagnatrices de cars ne doivent parler que
l’arménien avec les enfants. Les enfants français s’adaptent à la
spécificité de l’école puisqu’ils en ont accepté le programme.
Pour la petite histoire, Hortense, de parents français, est
première en arménien. Souvent, les enfants de parents français
font plus d’efforts, certains même leur enseignent l’arménien. Et
puis nous sommes tenus d’appliquer les programmes de l’Education
nationale, l’école étant régulièrement inspectée par ses services.
L’anglais est enseigné à
partir de la grande section maternelle: une heure par semaine
(alors que dans les programmes officiels cet apprentissage n’est
prévu qu’à partir du CE1) .
L’enseignement religieux
est assuré par Mgr Zakarian une heure par semaine. Enfin sont
dispensés des activités de chant, de théâtre, de sport, et de
musique.
Viennent ensuite se
greffer les projets pédagogiques : tous les ans, chaque classe
poursuit un projet.Par exemple, cette année on a développé un
projet sur l’eau. L’année prochaine on prévoit le projet sur le
patrimoine de Lyon qui consiste en la visite de la ville avec
différents intervenants .
De même, cette année
furent menés un projet lecture (une intervenante rémunérée par la
ville de Lyon venait chaque semaine), un projet informatique (les
enfants obtiennent le B2i , un brevet informatique), un projet
d’éducation à la ville avec la ville de Lyon, un projet en
littérature (qui valut à l’école un prix d’encouragement pour les
palmes académiques).
Nous avons également des
échanges avec l’école du Saint Sacrement.
Combien
de classes ?
Deux classes maternelles
de 35 élèves : une petite section , une moyenne/grande section ,
et en septembre nous en ouvrons une 3éme mais nous ne sommes pas
surs que la nouvelle enseignante sera rémunérée par l’Education
Nationale, il faut que le dossier soit accepté, sinon c’est l’O.G.E.A
qui la prendra en charge. Nous avons ensuite cinq classes
élémentaires de 25 élèves.
Envisagez-vous
d’agrandir les locaux ?
Le projet de départ visait
200 élèves et nous avons pratiquement atteint ce projet car à la
rentrée prochaine, nous compterons 191élèves.Nous privilégions la
qualité à la quantité.
Abordons
maintenant les résultats scolaires.
Nous procédons au suivi de
nos élèves qui entrent en 6ème dans les différents
collèges, (notamment des
collèges privés où il est difficile d’y être admis) et
nous constatons qu’ils obtiennent de très bons résultats.
La moyenne générale des
élèves de 6ème sur la totalité des collèges de la
région lyonnaise est de 12.5 /20, alors que les élèves qui sortent
de l’école Markarian-Papazian se distinguent par une moyenne
comprise entre 14 et 16 /20, avec de très bonnes appréciations
voire même les félicitations du conseil de classe.(On
me montre les évaluations de 6éme
et notamment celles d’un élève
qui ne parle qu el’ Arménien chez lui : il a 100% en
compréhension et 87%.7 en production d’écrit).
Tous les élèves quittant
l’école savent lire et écrire l’arménien. Le samedi , les
collégiens viennent reprendre des cours d’arménien, ce, jusqu’au
lycée, ce qui est très utile pour le baccalauréat. Ils sont
dispensés par la dynamique association d’anciens élèves gérée par
MM Tchobakoian et Vasken Eskidjian. J’insiste sur le fait que
parler Arménien, loin d’être un handicap,est une aide non
négligeable pour apprendre l’Anglais. C’est une réelle gymnastique
cérébrale qui enrichit les élèves tout au long de leurs études. Il
faut parler Arménien avec vos enfants !
Le « truc en plus » par rapport aux autres écoles ?
Pendant l’heure
d’Arménien, l’enseignant français donne des cours particuliers de
soutien à ceux qui éprouvent des difficultés. Dans les autres
écoles, cette formule n’est pas possible.
Nous disposons également
d’une aide à la vie scolaire, rétribuée par l’Inspection
Académique. Elle apprend le Français aux enfants qui viennent
d’Arménie et qui arrivent en cours d’année.
Un autre exemple : le
maître du CP, pendant l’heure d’Arménien, donne des cours
d’informatique, et fait passer le B2i (brevet d’informatique) aux
élèves.
Le
mot de la fin ?
Nous souhaitons que
l’école poursuive sa mission, que l’on puisse maintenir la qualité
de l’enseignement et de l’éducation, inculquer les valeurs
culturelles et spirituelles qui sont les nôtres. Dans la
communauté arménienne, il faut savoir donner ; donner c’est
quelque chose de fantastique car en retour, c’est le sourire des
enfants, et ça c’est capital !
Propos recueillis par Lydia
Mirdjanian
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