Regard rapide sur 2002
par Aline Dedeyan
adedeyan@yahoo.com
octobre 02 - février 03)

Ça bouge, ça change, ça évolue! L'Arménie consolide ses positions au sein de la communauté internationale, considérée comme bonne élève en matière de droits de l’homme et institutions démocratiques. Tandis que les relations et les échanges avec la Diaspora s’accélèrent, se profilent les élections présidentielles et législatives de 2003 et, désormais, la cause arménienne apparaît de plus en plus sur les agendas nationaux et internationaux. Succédant à Karen Nazarian, Son Excellence Zohrab Mnatsakanian, cumule les deux mandats d'Ambassadeur d'Arménie auprès de la Suisse et de Chef de la diplomatie arménienne auprès de l'ONU et de ses institutions spécialisées. Quant à Armen Papikian (Economie et finance) et Martha Ayvazian (Affaires consulaires), ils rejoignent le Premier secrétaire, Tigran Samvelian, au sein de la Mission permanente.

La délégation arménienne est présente aux nombreuses conférences et réunions internationales. Après Johannesbourg, l’Ambassadeur Mnatsakanian s'adresse à la Réunion préparatoire du Sommet mondial des sociétés d'informations « secteur clé pour l'avenir de l'Arménie », alors qu’à la 57e session de l'Assemblée générale de l'ONU, sept. 2002, V. Oskanian, MAE, évoque un fois de plus le conflit et le statut négocié du Nagorno Karabakh (NK) ainsi que la reconnaissance mondiale du génocide.

Au cours des réunions de la Commission des droits de l'homme, de la Sous-Commission de la promotion et protection des droits de l'homme, de l'OMI (Org. mondiale pour les migrations), du UNHCR (Réfugiés) de l'UNECE (Com. pour l'Europe) l’Arménie continue à être accusée d’agression par l'Azerbaïdjan, «l’occupation ou l'acquisition par la force »  Un délégué azéri est même été sommé par le président de séance de la Sous- Commission de respecter le règlement en s’abstenant d’intervenir pendant l’exercice de droit de réponse arménien plutôt musclé : « propagande azérie de bas niveau … ». Encore un point gagné, dirions-nous, surtout lorsqu'il s'agit d’un forum de droits de l'homme! Présentation du quatrième rapport de l'Arménie au Comité pour l'élimination de la discrimination raciale et, non moins importants, les récents rounds de négociations à l'OMC (Organisation mondiale du commerce) exigeant avant tout, des réformes législatives de fond dans les structures économiques du pays. Le 10 décembre 2002, l’approbation de l’adhésion de l’Arménie par le Conseil général de l’OM, suivie de la signature du traité par le Premier Ministre Andranik Markarian, venu à Genève avec sa suite de ministres célébrer ce moment historique. L’entrée de l’Arménie à l’OMC stimulerait ses exportations aussi bien en attirant des investisseurs étrangers qu’en ouvrant les portes d’une collaboration commerciale multilatérale.

L’amendement de l’Azerbaïdjan au projet de résolution sur la …coopération entre l’ONU et l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) portant, entre autres, sur le conflit du NK est examiné à la séance du 20 décembre 2002 du Deuxième Comité de l’Assemblée générale. Après un texte révisé de «  compromis  et de bonne volonté », l’amendement est adopté malgré 100 abstentions. Le délégué azéri dénonce l’atteinte à l’intégrité territoriale de son pays par l’occupation illégale arménienne, cause de déstabilisation, de dommages et de problèmes de réfugiés et de personnes déplacée, tandis que le texte final de la résolution (A/RES/57/298) ne contient aucun terme accusatoire à l’égard de l’Arménie, ni de l’Azerbaïdjan urgeant, au contraire, les deux parties d’aboutir à une solution pacifique du conflit par le dialogue et la négociation avec, bien entendu, le concours de l’OSCE.

Autre date importante, le 28 novembre 2002 l’Arménie devient membre du Centre de politique de sécurité à Genève, Fondation suisse et internationale, composée en majorité des pays membres de l’OTAN ayant comme objectif principal de former diplomates, militaires, hauts fonctionnaires de gouvernement, étudiants, etc. aux stratégies de politique de sécurité dans le cadre du projet Partenariat pour la paix. Le 26 novembre le Centre organise un face à face live entre Tatul Markarian et Araz Azimov, respectivement Ministres délégués des Ministères des affaires étrangères d’Arménie et d’Azerbaïdjan, sur la question du NK classé, selon les experts de l’OSCE, comme « conflit gelé ». Bien qu’aucune percée significative n’ait conclue cette rencontre, la présence des co-présidents du groupe de Minsk - N. Gribkov (Russie), R. Perina (USA), H. Jacolin (France) - sur le podium contribua à une analyse approfondie des positions respectives des protagonistes.

Quant à la Turquie, ayant présenté des rapports sur l’amélioration des droits de l’homme dans le pays, des droits et libertés accordés aux minorités - notamment aux Kurdes - ainsi que l'abrogation de la peine de mort aux différents organes de l’ONU, sous sa nouvelle présidence elle ne renonce pas pour autant à sa politique négationniste. D’après le rapport de l'expert Per Gahrton (Suède), plus tard appuyé par le parlementaire suédois, Artin Murad, son adhésion à l'UE reste, entre autres, tributaire de la levée du blocus et de sa reconnaissance du génocide en vue d’une normalisation de ses relations avec l'Arménie. Par ailleurs, sa candidature très controversée ne semble pas remplir actuellement les conditions de son adhésion, ni obtient-elle l'aval de l’ensemble des membres de l'UE.

Suite aux quelques fausses notes de la présidence danoise de l’UE, reconnaissant davantage l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan que l’indépendance et la légitimité d’un NK autodéterminé, l’UE rapporte cette question à 2003, la confiant au parlementaire britannique, Terry Davis, chargé d’établir un rapport spécial. En revanche, la tenu des élections réglementaires au NK reconduisant le mandat du président sortant, Arkady Ghoukassian, contribue à consolider son indépendance en accélérant les réformes dont dépend le développement social et économique du pays.

Mai-juin, la nouvelle CRAT (Commission de réconciliation arméno-turque) est massivement rejetée par le CDCA et d’autres organisations arméniennes de la Diaspora, voire l'opinion publique générale. Mué en juillet dernier en Fédération euro-arménienne pour la justice et la démocratie - la FEAJD - présidée par Hilda Tchoboian avec siège principal à Bruxelles, l'ancien CDCA se transforme en un puissant lobby politique arménien en Europe regroupant diverses autres associations. Après avoir établi une antenne auprès de l'UE, assuré sa participation aux débats et intégré pleinement le forum de la Convention sur l'avenir de l'Union européenne, elle poursuit la cause arménienne auprès des instances bilatérales et multilatérales. De son côté, le Conseil de l'Europe ayant examiné les rapports de ses rapporteurs spéciaux -pour l'Arménie Mme Belahorska (Slovaquie) et Mme Jaskieran (Pologne) - estime que les progrès faits par l'Arménie sont tout à fait satisfaisants en matière de droits de l'homme et de démocratisation. Contrastant avec le rapport sur l'Azerbaïdjan, l'Arménie passe devant en progressant rapidement. «... d'un côté une démocratie pluraliste à laquelle on peut reprocher un léger retard sur la question de la peine capitale ... et de l'autre un régime autoritaire, répressif et de type dynastique pour lequel la démocratie n'est que le fard de respectabilités vis-à-vis des instances internationales».

L ‘ANCA (Armenian National Committee of America), autre lobby politique influent aux USA, continue à exercer une pression non négligeable sur la classe politique américaine tant au niveau fédéral que régional, interpellant députés, gouverneurs, sénateurs et autres élus à propos de la reconnaissance et de la confirmation du génocide ainsi que les relations Etats-Unis/ Azerbaïdjan sur la question du NK - sujet sensible proie à des tentatives de récupération! ANCA compte sur l’appui d’une grande majorité de citoyens américains d'origine arménienne. Dernière en date, la résolution S. Res.307 qui, entre autres, cite le génocide arménien dans le cadre de l'anniversaire de la signature de la Convention sur le génocide de 1948 – à ce jour seul instrument international.

En conclusion, si la cause arménienne gagne en visibilité et en crédibilité et si la diplomatie pan-arménienne marque des points, la Diaspora est encore loin de présenter un front uni pouvant être réellement opérationnel.