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Pendant la Première Guerre mondiale, aucune nation n'a perdu un aussi grand pourcentage de sa population que la nation arménienne. En 1915, le peuple arménien a été victime du premier génocide systématique, le plus grand crime contre l'humanité. Au moins un million et demi d'Arméniens ont été déportés de leur patrie et brutalement assassinés.
Outre les pertes humaines, il y eut d'immenses dommages matériels. Plus de 66 villes et cités, 2500 villages, 2350 églises et 1500 écoles furent détruits. Il y eut également des pertes culturelles irremplaçables; les experts emploient souvent l'expression "Génocide culturel". Une fois qu'ils eurent éliminé les Arméniens, les Turcs se mirent à effacer systématiquement toute trace de civilisation arménienne en Arménie Occidentale, détruisant des trésors architecturaux et autres joyaux culturels.
Parmi les trésors perdus lors du Génocide, se trouvaient des milliers de manuscrits arméniens.
Au début de la Première Guerre Mondiale, la plus grande collection de manuscrits arméniens était conservée à la Cathédrale Sainte Etchmiadzine.
En février 1915, pour les protéger des périls de la guerre, 4660 manuscrits et autres objets de valeur furent empaquetés dans des boîtes et envoyés à Moscou, où ils furent mis à l'abri dans l'église arménienne Sainte Croix. La même année, l'Arménie Occidentale devint zone de guerre, et le gouvernement turc profita de l'occasion pour entreprendre la déportation et le génocide de la population arménienne.
Le Catholicos de tous les Arméniens, Kévork V, donna des instructions au Révérend Hohannès Hyusian, Père Supérieur du Monastère de l'Ile de Lim du Lac de Van, de rassembler tous les manuscrits des églises des îles de Lim, Ktuts et Akhtamar, du Lac de Van, ainsi que de celles de la ville de Van et des alentours, et de les envoyer à Etchmiadzine. Le RP Hyusian réussit, mais seulement en partie.
Grâce aux efforts surhumains du Père Supérieur et de ses assistants, plus de 1450 manuscrits furent transférés à Etchmiadzine en 1915 et 1916. Mais très souvent, beaucoup plus que ceux-là furent perdus. Les églises de Lim et d'Akhtamar seulement, par exemple, avaient possédé plus de 1000 manuscrits.
Dans la région de Vaspouragan, qui est proche de l'Arménie Orientale, quelques manuscrits furent sauvés lors de l'avancée de la ligne de front. Mais dans l'Arménie Occidentale profonde, dans les régions peuplées d'Arméniens de la Petite Arménie et en Anatolie, les manuscrits et autres objets culturels furent, dans la plupart des cas, complètement perdus. En Césarée, par exemple, plus de 700 manuscrits furent détruits.
La terrible perte des manuscrits avant et pendant la Première Guerre Mondiale a fait l'objet d'une liste détaillée par le Professeur Kolanjian et publiée dans une série d'articles dans le Magazine d'Etchmiadzine. Parmi les trésors perdus ou détruits qu'il décrit se trouvaient des pièces uniques, par exemple le manuscrit du 10ème siècle contenant, croit-on, la biographie de Grigor Narékatsi, qui avait été conservé dans l'église d'Alyur..
Il faut remarquer que quelques manuscrits ont été sauvés par des Arméniens rescapés du Génocide, et réfugiés dans divers pays. Plus tard, ces manuscrits apparurent dans différents musées, et retournèrent en Arménie.
En 1922, après la fin de la guerre et une période d'instabilité, les 4660 manuscrits qui avaient été envoyés à Moscou, furent retournés à Etchmiadzine, où ils furent ajoutés aux 1730 manuscrits qui s'y trouvaient déjà.
En 1939, le gouvernement soviétique nationalisa la collection, appelée Maténadaran, et l'envoya à Erévan.
Aujourd'hui l'Institut Scientifique et de Recherche Maténadaran Mesrop Mashtots contient approximativement 11000 manuscrits arméniens.
Il y en aurait eu le double sans le Génocide arménien de 1915.
Karen Matevosyan
Traduction Louise Kiffer