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François Durpraire, Olivier Richhomme:
"L'Amérique de Barack Obama"
Paris: Démopolis 2007
Étoile montante sur la scène politique américaine, premier homme politique noir capable de séduire l’électorat blanc, Barack Obama est aujourd’hui candidat à l’investiture du parti démocrate pour les élections présidentielles de 2008. Bien que son autobiographie publiée en 1995, Dreams from my Father. A Story of Race and Inheritance, se soit vendue à plus d’un million d’exemplaires aux états-Unis, elle n’a toujours pas été traduite. Seul son dernier ouvrage, L’Audace d’espérer : une nouvelle conception de la politique américaine, vient de sortir en français fin 2007. Le livre de François Durpaire et Olivier Richomme, qui paraît au même moment, vient donc à point nommé combler un vide en introduisant au public français la figure désormais incontournable de Barack Obama.
La première partie de cette biographie résume en quatre chapitres agréables à lire la vie d’Obama en s’inspirant de son autobiographie non traduite et d’articles de journalistes et de commentateurs politiques. Les cinq derniers chapitres présentent les contours et les enjeux de la candidature à l’investiture démocrate d’Obama, tant sur le plan programmatique que symbolique. La fin de l’ouvrage passe en revue les positions politiques du candidat sur tous les sujets (chapitre 7), de l’éducation à la guerre en Irak en passant par l’avortement, sans négliger la question raciale (chapitre 8) et la controverse qui entoure un candidat noir qui ne descend pas d’esclaves américains. Car pour les auteurs, « Obama incarne le passage d’une Amérique en noir et blanc à une Amérique métissée ». En 185 pages, le livre offre donc une vision assez complète de la vie, de la carrière, des positions politiques d’Obama ainsi que des enjeux symboliques complexes liés à son ascension fulgurante.
Bonne introduction pour un lectorat de journalistes ou de passionnés de politique, l’ouvrage présente de manière claire, succincte et lisible la vie d’Obama. De plus, les auteurs rappellent avec un vrai talent pédagogique les caractéristiques principales de la vie politique et des institutions des états-Unis, que le grand public français connaît parfois imparfaitement, du déroulement de l’élection présidentielle à son financement, de la place de la religion au rôle des questions de société. Toutefois, pour des chercheurs désireux d’approfondir ces questions, la lecture des publications américaines reste indispensable. Car le livre de Durpaire et de Richomme manque parfois de recul. D’une part, les sources sont insuffisamment croisées et interrogées, ce qui est en partie inévitable pour un ouvrage écrit à chaud. D’autre part, l’admiration des auteurs pour ce « nouveau Kennedy qui fait rêver l’Amérique » est telle qu’on a parfois l’impression de lire le script de Mr Obama goes to Washington, remake multiculturellement correct du classique de Frank Capra. A la « sincérité » et à l’« authenticité » du gentil métis Obama, « symbole pour les minorités visibles en France » , s’oppose l’image de « femme froide et calculatrice » d’Hillary Clinton et celle des autres démocrates noirs, dont on nous explique, à tort, qu’ils limitent leurs discours à l’égalité entre Noirs et Blancs et restent centrés sur la défense de leur propre communauté , alors que dès les années quatre-vingt Jesse Jackson parlait de mettre en place une rainbow coalition. La conclusion, qui est le chapitre le plus faible du livre, nous apprend que « fait de plus en plus rare en politique, le sénateur de l’Illinois se présente à une élection présidentielle sans avoir fait fortune et sans être né riche. […] à la différence des précédents présidents, qui se donnaient beaucoup de mal à (sic) faire oublier qu’ils étaient issus de grandes familles » alors que les présidents Truman, Eisenhower, Johnson, Nixon, Reagan et Clinton étaient tous d’origine modeste et que seuls Franklin Roosevelt, John Kennedy et les deux Bush étaient des fils de bonne famille. L’envolée finale, mélange d’idéalisme et d’essentialisme, laisse le lecteur perplexe : « Quelle serait la réaction du Proche-Orient si ce chrétien dont le père et le grand-père étaient musulmans, dont le frère est converti à l’Islam, dont le deuxième prénom est Hussein entrait à la Maison-Blanche ? Son nom — Barack Hussein Obama — le différencie d’emblée et de manière radicale. Son élection ne suffirait-elle pas à démentir les théories du professeur conservateur Samuel Huntington, pour qui les conflits sont désormais de civilisations ? » Mais il faut sans doute se garder de trop reprocher à cet ouvrage de ne pas offrir une analyse universitaire fouillée et distanciée. Prenons-le plutôt pour ce qu’il est : la première présentation en langue française d’un homme politique qui est devenu un véritable phénomène de société aux états-Unis. L’Amérique de Barack Obama répond avec clarté et concision à ce qu’on peut raisonnablement attendre d’un ouvrage d’actualité politique.
(article de Luc Benoît à la Guillaume – Université Paris X Nanterre)