Retour à l'accueil - Pour m'écrire directement - Mon site personnel
Dans le cimetière national de Bourdj Hamoud, repose obscurément l'un des plus modestes héros, Kéri Ghazar, l'un des fils d'une des plus grandes familles de Sassoun, et dont les exploits héroïques allèrent des montagnes de Sassoun aux combats du Karabagh, depuis les luttes des fedayis jusqu'aux combats arméno-turcs, des révoltes de Février jusqu'aux prisons de la Tchéka.
Ce soldat sincère de la Fédération Révolutionnaire Arménienne mérite notre reconnaissance pour les services rendus à la République Arménienne. Il en est l'un des meilleurs représentants.
Car après avoir obtenu son indépendance, il a su perpétuer ses fondements. Il a réalisé de nombreux et précieux travaux de mémoire, resté toujours grand par sa modestie. Il a vécu pauvrement, a travaillé humblement, comme son ami Hraïr (Tejokhk) qu'il adorait et sur le corps sans vie duquel il avait fait le serment auquel il est resté fidèle jusqu'à son dernier souffle.
Kéri Ghazar était né en 1887 dans le village de Guéliyégouzan du Sassoun. La maison des Bédo était la plus imposante. Les paroles de Bédo se répandaient non seulement dans le village mais dans tous les environs de Chadakh. "Ghazar était de cette maison" dit Garo Sassountsi.
Jusqu'en 1894, il avait été berger. Quand il rentrait son troupeau au village, il voyait dans la maison des révolutionnaires qui discutaient avec son père. C'est en voyant ces révolutionnaires qu'est né dans son âme l'amour de la patrie et l'esprit révolutionnaire. Vers la fin de 1894, il entre au monastère Arakélots, pour étudier. Il y rencontre des révolutionnaires qui rendent visite au monastère.
En 1904, quand éclate la seconde révolte de Sassoun, Ghazar s'éloigne du monastère et revient dans son village natal où se trouvait Hraïr Tejokhk, qu'il avait vu au monastère. Agé de 17 ans, il se présente à Hraïr et apporte son soutien à la révolte, toujours luttant aux côtés de Hraïr.
Antranig dirigeait les révoltes du côté oriental du Sassoun; Kévork Tchavouch les fronts de Ishkhantsor et de Dalvorig, Godoyi Hadji la crête de Zaï, et les fedayi de Gorun, Sebouh et Chénig restaient sous la direction de Hraïr. C'est là que Ghazar fit la connaissance d'Antranig, de Vahan, Sbaghanats Magar, Sbaghanats Kalé, Gorun, Sébouh et autres vaillants fédayis.
Le 15 avril 1904, quand l'armée turque attaque le Guéliyégouzan, il se trouvait à côté de Hraïr.
Il affronte courageusement l'ennemi. C'est lors de ce combat qu'il voit avec indignation le village de Sémal incendié, Sébouh blessé et Hraïr sacrifié, et qu'il fait le serment, sur son cadavre, de le venger. Ses contemporains témoignent que Ghazar était toujours fidèle à sa parole, un combattant intrépide. Il avait horreur de toutes les sortes de tyrannie.
Après la révolte de Sassoun, Ghazar retourne au Monastère continuer ses études. Mais constatant les difficultés matérielles de sa famille, il décide d'aller en Amérique. Au début de 1908 il se met en route pour Adana, puis se rend à Constantinople. Et là il se met à penser jour et nuit qu'en allant en Amérique il n'aiderait que ses parents. Il écrit: "Je dois retourner au pays, et réaliser le serment que j'avais fait sur la tête de Hraïr".
Effectivement, Ghazar retourne au pays, alors que Roupen Der Minassian venait de quitter le Sassoun. Quelques semaines plus tard Simon Zavarian arrive à Sassoun pour organiser le cercle…Là, ce fut une période de travail pour Ghazar. Simon était venu pour ouvrir des écoles,
Il voulait instruire les paysans, envoyer les enfants studieux à l'étranger pour continuer leurs études, et aussi faire apprendre l'apiculture. "C'est par son intermédiaire que j'ai appris l'apiculture", écrit Ghazar, depuis le départ de Zavarian et l'arrivée de Zavriev, j'ai accompli toutes les tâches qui m'ont été confiées.
Ghazar a travaillé aussi comme assistant du Docteur Zavriev, jusqu'à son départ de Sassoun.
En été 1915, quand les Turcs ont commencé à bombarder Mouch et Sassoun, Kéri Ghazar et Der Katch Krikor avec leur groupe ont défendu Chinig, et Isro Gorun le Ziyaret. L'ennemi a mis le feu à Chinig et Sémal. Kéri Ghazar rejoint Isro au sommet de l'Andok.. Après trois jours de combats, Isro Gorun est tué. Le Daron perd son vaillant dirigeant .
Kéri Ghazar se retire alors avec les fedayis dans les montagnes, où il demeure jusqu'en février 1916, lorsque les Russes entrent dans Mouch. Apprenant la libération de Mouch, les survivants des alentours, ainsi que Keri Ghazar se rendent aux Russes.
Les mois suivants et jusqu'en septembre 1918, profitant de la présence des Volontaires arméniens, Kéri Ghazar, avec les Sassountsis et les fédayis débarrasse le Daron des Turcs.
Après le chute d'Erzeroum, les groupes de fédayis se rendent au pied de l'Ararat.
On confie à Kéri Ghazar 200 orphelins qu'il transporte à Alexandropol (Gumri) et ensuite aux alentours de Talin.
Kéri Ghazar, avec Morouk Garo, Tcholo, Pilos, Pétara Manoug et les nombreux Sassountsis, ainsi que les héros, participe à la chasse aux Turcs de Talin.
Pendant la période de l'indépendance de l'Arménie, Kéri Ghazar apporte sa contribution au renvoi des Turcs de Talarakiaz, et à la révolte des communistes arméniens (mai 1920).
En automne 1920, quand recommencent les luttes entre Turcs et Arméniens, Kéri Ghazar se retrouve sur le champ de bataille. Il mène des combats héroïques, dans lesquels il perd son meilleur ami Pétara Manoug.
Après cela, avec le Sassountsi Mouchégh et les fédayis, il se rend sur le front du Karabagh et participe aux combats. Quand le général Antranig passe le Koghtan, il demande que Kéri Ghazar et les troupes de Mouchégh l'accompagnent Mais ceux-ci refusent. Ils vont continuer à chasser les Turcs du côté de Bazartchaï et arriver à Goris.
Après la soviétisation de l'Arménie, Kéri Ghazar reste au pied de l'Arakadz, autour de Talin, restant toujours en relation avec Garo Sassouni.
Pendant les révoltes de février, il participe à la libération de Etchmiadzine.
Au printemps de 1921, après l'invasion de l'armée russe en Arménie, Kéri Ghazar, avec les partisans de l'indépendance de l'Arménie, quitte de nouveau sa patrie et passe en Perse, d'où après un séjour de trois mois, profitant de la rémission accordée par les Soviets, il retourne en
Arménie avec 15 de ses compagnons et s'installe dans le village de Maghta de Talin.
En Octobre 1926, des condamnations ont lieu dans ce village au pied de l'Arakadz. Le président du soviet rural est accusé de terrorisme, Kéri Ghazar , Ardachès Stépanian, Hripsimé Mouchéghian et le docteur Michael Mélik Mouradian sont condamnés en tant qu'organisation terroriste.
Kéri Ghazar a été libéré de prison en 1928 et est resté quelques semaines au village. Mais quand il apprend qu'on va de nouveau l'arrêter, il va dans les montagnes. Après être resté deux ans et demi dans les montagnes, il arrive en Perse en 1930 avec Morouk Garo et Kéri Tato, ayant subi mille et une souffrances. Il reste à Tabriz quelques mois, puis reçoit une nouvelle rémission, mais cette fois il n'a plus confiance dans les grâces soviétiques.
En 1932, Kéri Ghazar se rend à Bagdad, et de là à Kamichli. Après y être resté quelque temps, il s'installe à Alep, où il reste longtemps. Enfin il s'installe à Beyrouth, au monastère d'Antélias, sur l'invitation du Catholicos Karékine 1er Hovsépiants, pour s'occuper d'apiculture.
Il est resté à Antélias jusqu'à sa mort, le 19 octobre 1959. Il fut enterré le lendemain au temple du Catholicossat, d'où son corps fut transféré au cimetière de Bourdj Hamoud, dans le caveau de l'Union Patriotique de Daron Douroupéran.
( Extrait du magazine mensuel Aztag – octobre 2004)
Traduit de l'arménien par Louise Kiffer