Retour à l'accueil - Pour m'écrire directement - Mon site personnel
Daily Times, 23 décembre 2006
Par le Dr. Kalpana Sahni
Traduction Louise Kiffer
Le "Ain-i-Akbari" mentionne de nombreux Arméniens qui avaient été invités par Akbar (Empereur moghol des Indes – 1542-1605 – ndt) pour s'établir à Agra. Mariam Zamani Begum, l'une des épouses d'Akbar, était paraît-il une Arménienne, de même que le Chef de la Justice, Abdul Haï, la doctoresse Juliana et plusieurs autres .
Ashot Hindilyan nous a offert gracieusement de nous faire visiter le Quartier arménien de la vieille ville de Jérusalem.
"Votre nom est-il lié à l'Inde ?" lui ai-je demandé
"Naturellement, Hindi, Hindilyan. A une certaine époque, ma famille faisait du commerce avec l'Inde. Si bien qu'on m'a même dit que je ressemblais à un Indien. Est-ce vrai ? "
"Euh, c'est possible. Votre nez n'est pourtant pas un nez arménien…"
Professeur de l'Université de Birzeit, le Dr. Hindilyan, nous a conduits dans chaque coin et recoin du quartier arménien de la vieille ville de Jérusalem, avec ses étroites rues pavées bordées de maisons de pierre, la bibliothèque, le cimetière. Nous avons assisté à la messe dans l'église arménienne ancienne du 11ème siècle, l'Eglise St Jacques. En tant qu'invités spéciaux, nous avons eu le privilège de voir quelques trésors. C'étaient des rideaux d'autel en coton, couverts de caractères d'imprimerie, qui décrivaient la vie de la Sainte Famille.
Tous fabriqués à Madras ! L'un des trésors les plus précieux était un immense rideau d'autel imprimé d'images de plantes. Au-dessous de chaque image était inscrit le nom en arménien. Hindilyan lut à haute voix: imli et nous regarda comme pour nous demander si cela signifiait quelque chose.
"Bien sûr ! c'est un arbre, imli." (Tamaris)
Nous avons essayé d'identifier les autres plantes aussi. On pourrait se demander pourquoi quelqu'un a fait une véritable encyclopédie des plantes de l'Inde du Sud pour un rideau d'autel d'église arménienne. Peut-être que quelque Arménien passionné de botanique avait guidé les imprimeurs de caractères en leur inscrivant les noms en arménien pour qu'ils les recopient. Cette pièce d'autel très spéciale datait du 18 ème siècle.
Eh bien, cet épisode piqua ma curiosité. Je me suis souvenue de M. Khatchaturian qui avait été, il y a longtemps, le propriétaire de mon cousin à Bombay. Je me mis donc à la recherche d'un complément d'information.
Nous sommes dans l'ignorance de nos liens avec les Arméniens, qui remontent au second siècle. Les Arméniens avaient autrefois fait du commerce avec de nombreuses parties de l'Inde, et leurs installations s'étaient disséminées le long de la côte: Bombay, Surat, Madras, Calcutta, et plus tard à Agra, Lucknow, Delhi, Lahore, Gwalior. Le Shah de Perse Abbas encouragea les Arméniens de Perse au 17ème siècle à faire du commerce avec l'Inde. Leur nombre se multiplia et bientôt, ils construisirent des écoles à Madras et à Calcutta. Le premier périodique en langue arménienne fut imprimé en 1794 à Madras et non pas en Arménie. Ce furent les Britanniques qui les évincèrent graduellement, se sentant menacés par leur compétence commerciale.
L"Ain-i-Akbari mentionne de nombreux Arméniens qui avaient été invités par Akbar pour s'installer à Agra. Mariam Zamani Begum, l'une des épouses d'Akbar était, paraît-il, une Arménienne; de même, le Chef de la Justice Abdul Haï (en arménien Haï signifie arménien), la doctoresse Juliana et plusieurs autres.
Certains prétendent que Sarmad, un célèbre poète Soufi du 17ème siècle, était un Arménien juif, alors que d'autres disent que c'était un Arménien chrétien. Il est arrivé en Inde en 1654 de Kashan en Perse, devint Bhikshu, et plus tard se rallia au soufisme. Plus connu sous le nom de "Soufi le Nu", il attirait des disciples de toutes les croyances et de toutes les classes. Il a écrit, dans l'un de ses quatrains perses .
"J'obéis au Coran.
Je suis un prêtre Hindou et un moine
Je suis un rabbin juif, je suis un infidèle,
Et je suis musulman".
Parmi ses disciples, on peut citer Dara Shikoh, le prince philosophe et humaniste; Aurangzeb tué par Dara Shikoh et Sarmad ensemble. Jusqu'à ce jour, des gens déposent des fleurs sur la tombe de Sarmad qui se trouve près du Jama Masjid de Delhi.
Le canon Zamzama devant le musée de Lahore a été fabriqué en 1761 par un fabricant d'armes arménien, Shal Nazar Khan, pour Ahmed Shah Durrani, l'envahisseur afghan du Pendjab. Les Sikhs, plus tard, l'ont capturé.
Que de choses nous devons aux Arméniens. Une doctoresse arménienne ouvrit la première maison de repos à Calcutta; un Arménien dirigea les premières recherches archéologiques. Il y a, dans notre histoire, tant de héros arméniens méconnus qui luttèrent à nos côtés contre les Britanniques. Le Colonel Jacob Petrus a commandé le Scindia de l'armée de Gwalior pendant 70 ans, de 1780 à 1850, contre les Britanniques. Mesrob Jacob Seth écrit:
"Sa réputation était si grande et il était si respecté que toute la ville de Gwalior prit le deuil lors de sa mort en 1850. Des milliers de gens, y compris des nobles et des militaires assistèrent à ses funérailles, et des coups de feu furent tirés 95 fois du haut des remparts du fort historique de Gwalior, pour marquer son âge".
Il y a eu ensuite le légendaire Gorgin Khan, commandant en chef de Mir Qasim, le Nawab de l'armée bengalaise, et Movsès Manouk, Colonel du Nizam de l'armée de Hyderabad. La liste des officiers militaires arméniens est longue.
Il y a eu aussi des historiens : Tovmas Khojamalyan a écrit une histoire de l'Inde, en 1768. Ce livre comportait la période sous domination britannique, qui pourrait fournir une source très importante d'information, en particulier les chapitres concernant la tragédie infamante du "trou noir".
Cet échange était-il unilatéral ? Pas du tout. Au 4ème siècle l'historien syrien Zénob Glak mentionne que du 2 ème au 4 ème siècle après J.C., il y avait dans la région arménienne du Daron une communauté indienne de 15 000 membres, qui prospéra pendant plus de 200 ans et comprenait 20 villages indiens. Ils furent évincés par l'arrivée du christianisme en Arménie. Un village Toran nommé Hindkastan a existé jusqu'au début du 20 ème siècle, avec des noms tels que: Hindukhanum, Hindubek, Hindumelik.
Le Dr. Kalpana Sahni a été professeur à l'Université Jawaharlal Nehru à New Delhi. Elle a obtenu un doctorat de littérature russe, elle a publié une importante littérature sur des questions de cultures mixtes. On peut la joindre à: sahni.kalpana@gmail.com
Nous remercions vivement Sahni Kalpana pour son aimable autorisation de traduire son article.