RETOUR
AUX ORIGINES
L’œuvre de Raffy Sarkissian ressemble à une quête dans les profondeurs de sa
mère patrie. Ses peintures aux couleurs diaphanes nous font parcourir les
paysages d’Anatolie où se distinguent de longues plaines labourées et les
villages de ses ancêtres. Du Kamantcha de Sayat Nova aux bergers en cape
longue, ses sculptures de bronze rendent hommage aux poètes d’Arménie, à
leur écriture et remettent en valeur un patrimoine culturel bien peu exploré
par les autres artistes arméniens. Une œuvre riche et symbolique à découvrir
ou à revoir au cœur de son atelier parisien.
Le travail avant tout…
En
novembre dernier, le Salon des artistes du XVe arrondissement a salué le
bicentenaire de Victor Hugo. Parmi les 213 artistes exposés, Raffy
Sarkissian a gagné la mention du jury grâce à l’une de ses immenses
enveloppes de bronze issue de son cycle épistolaire.
Elève de
César et sculpteur depuis plus de trente ans, il possède la passion du
bronze. De ses mains souples et arrondies il martèle et patine ce matériau
noble pour lui conférer une multitude de teintes noires ou bleu-vert. Son
travail est essentiellement figuratif et témoigne d’un souci raffiné du
détail et du réalisme. Lorsqu’on lui demande son avis sur l’art de notre
époque, il s’insurge contre le manque de technique des jeunes artistes «
Ils n’ont plus de bases ni de notion du corps humain. La sculpture ou la
peinture nécessitent un réel savoir-faire qui ne peut s’acquérir que sur de
longues années de travail».
A ses
yeux la création passe donc par un enseignement académique et classique.
Rien d’étonnant vu qu’il a fait les beaux-Arts de Beyrouth mais aussi ceux
de Paris où il a obtenu son diplôme de sculpture.
De Saga à l’Institut de France, de la Galerie
Eolia à celle de la Hune, son parcours s’attache à la scène parisienne qu’il
côtoie quotidiennement au sein de son petit atelier du XVe arrondissement.
Perché en haut d’un escalier en colimaçon, cette tanière de la création a
les murs recouverts de sculptures et de toiles aux couleurs nostalgiques.
Chaque semaine Raffy y transmet son savoir à des élèves plus où moins jeune,
avides de découvrir ses secrets d’artiste.
Histoire de Racines
Son
travail est très proche de la nature. Qu’il s’agisse de visages sculptés, de
villes ciselées ou d’écriture, la plupart de ses œuvres sont ornées de
branches, de racines ou d’écorces. A travers une simple feuille de lierre ou
d’eucalyptus, il souligne l’harmonie sempiternelle que l’homme doit mener
avec la nature, cette mère nourricière qui l’a vu naître. Allant au-delà du
thème végétal, il mène depuis toujours une quête artistique sur ses propres
origines et sur la mémoire de son peuple.
Cela a commencé avec un cycle sur l’alphabet
arménien décliné sous toutes les matières : lettres alphabétiques peintes à
tempéra, tapis de lettres de 2 m de haut, sculpture de l’arbre abécédaire. A
travers ces œuvres insolites, il semble avoir libéré l’alphabet de Machtots
de ses pages ancestrales et immobiles. Avec ses pluies de lettres il met en
avant la particularité et la noblesse des signes de l’écriture arménienne et
rend hommage à cet indispensable outil de la mémoire écrite.
Parallèlement à cela, son regard se porte sur les lieux et les personnages
d’Arménie. Avec ses peintures il décline les petites maisons de Kharpet ou
les paysages du Karabakh tandis qu’il confère à ses sculptures la forme
d’une église chrétienne sortant d’un abricot. Selon Raffy, « les
artistes arméniens s’entêtent à ne vouloir peindre que l’Ararat alors qu’il
y a tant d’autres choses susceptibles de représenter notre culture : la
grue, la grenade, les héros légendaires, le duduk »
Parmi cet héritage, il a sélectionné
Grégoire de Narek, Sayat Nova entouré de Kamantcha ou Mesrop Machtots
momifié dans un sarcophage de verre afin « qu’il ne
puisse pas mourir entièrement »
Lorsque
l’on demande à Raffy d’où provient cette quête incessante sur les thèmes
arméniens il répond « Je suis arménien, j’ai ce nom, si je ne travaille
pas sur mes origines je peux les oublier » Cela ne l’empêche cependant
pas de se consacrer à d’autres sujets comme la pomme d’Adam et Eve qu’il
croque à travers ses esquisses ou ses pâtes à papier. Il y a aussi sa série
d’enveloppes ouvertes ou déchirées d’où sortent des portions de villes,
d’architectures et de personnages aux yeux clos. Mais si vous prenez le
temps de les regarder de plus prêt, vous y découvrirez de malicieux petits
indices tel qu’un timbre à l’effigie d’Antranik, une porte d’église
arménienne ou un cachet de poste reprenant le sceau du Traité de Sèvres.
L’œuvre
entière de Raffy respire son arménité, elle possède cependant de bien
grandes qualités esthétiques qui lui ont valu des commandes telles que le
buste de Boghos Nubar à la Cité Universitaire ou le monument maçonnique de
la Ville de Briançon. Certaines de ses pièces sculptées se promènent aussi
dans les collections privées de Christian Lacroix, de Mireille Matthieu ou
même de Mme Mitterrand. Que diriez-vous d’avoir les mêmes ? Avec le bronze,
c’est possible !
Raffy Sarkissian
Tel. 0145755561
Son atelier se
trouve au 145, rue Saint-Charles – Paris 15e
N’hésitez pas à lui
rendre visite ! (sur Rendez-vous)
Florence GOPIKIAN
YEREMIAN