L'épouse du Père de la Nation turque

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Une biographie de la première épouse de Mustafa Kémal vient de paraître en Turquie (en turc) par la journaliste Ipek Calislar.

Elle s'appelait Latif Ussaki. Depuis le divorce d'Ataturk en 1925, deux ans après son mariage,  les Turcs n'avaient reçu que des images négatives de cette femme, soi-disant criarde, autoritaire, tyrannique, sans volonté, etc… rumeurs destinées à ménager le héros de la République turque. Elle seule aurait été responsable de l'échec de leur mariage.

Or, les recherches de l'auteure auprès de la famille et des amies de cette épouse, l'ont amenée à découvrir une personnalité bien différente. Elle avait 23 ans, ne portait pas le voile et était très courageuse. Elle était la fille d'un riche négociant d'Izmir; avait étudié le droit en Europe, elle avait joué un grand rôle dans la vision d'Ataturk d'un . Etat turc moderne. Féministe active, , c'est grâce à elle que les femmes turques avaient obtenu le droit de vote avant la France et la Turquie. Ataturk était fier de sa femme et il la promenait dans toute l'Anatolie, dévoilée, et la présentant comme un modèle pour la femme turque.

Que se passa-t-il donc ? Latife n'a jamais raconté son point de vue, d'abord par loyauté envers Ataturk, ensuite par crainte. Le mystère aurait pu être éclairci si ses journaux intimes et ses lettres avaient pu être publiés. Mais tout cela avait été interdit et enfermé dans les coffres de la Fondation Historique Turque d'Ankara. L'interdiction prononcée par la Cour de Justice n'a été levée que l'an dernier, 25 ans après l'ordre de censure. Mais la famille a continué à refuser toute publication des papiers de Latife, de façon à protéger l'image d'Ataturk.

L'une des causes du divorce aurait pu être qu'Ataturk passait ses nuits à boire avec ses amis. Le fait était suffisamment connu mais rarement discuté.
Ensuite il y eut la soudaine réapparition de Fikriye, l'ex-maîtresse d'Ataturk, qui s'est suicidée dans le parc du palais présidentiel.

Mais la journaliste penche pour un autre motif. Malgré tout son zèle pour s'occidentaliser, Ataturk était finalement incapable d'admettre que la femme soit l'égale de l'homme.

 

D'après : The Economist, 22 juin 2006