Quelques temps
après, le fiancé voyait de temps
en temps sa fiancée, mais en cachette.
Enfin, quand la chose est tout à fait
décidée, les parents du jeune
homme se rendent chez la jeune fille pour
procéder à la cérémonie
du "aghtchik déss"
(la vision de la jeune fille) et lui font
des cadeaux. Et, à leur tour, les parents
de la jeune fille en font autant chez le jeune
homme, en procédant à la cérémonie
du "pessa déss" (la vision
du fiancé).
Ces coutumes ont
peu à peu disparu, à cause surtout
des frais considérables qu'elles occasionnaient.
Un usage, notamment consistait à envoyer
une cassette pleine de pièces d'or
et d'argent à la future fiancée,
par l'entremise de jeunes filles amies de
la famille, et qui, pour ce signalé
service, étaient retenues pendant quelques
jours chez la fiancée.
Quelque temps après,
le père du jeune homme et celui de
la jeune fille, accompagnés chacun
d'un témoin choisi dans leur propre
famille, se rendaient à la prélature.
Après avoir dûment constaté
que le mariage projeté était
conforme à la généalogie,
c'est-à-dire après avoir vérifié
que les futurs époux ne sont pas parents
jusqu'au septième degré, et
que le tout est d'accord avec les Canons de
l'Eglise, on enregistre le contrat, auquel
prêtres et témoins apposent leur
signature. Puis, on bénit la croix
du "signe", c'est-à-dire
des fiançailles, et on l'envoie chez
la jeune fille, ainsi que l'autorisation du
mariage.
A
Akn, les parents du fiancé puis du
nouveau marié étaient les plus
honorés, à telles enseignes
que la mère, les soeurs et les autres
parents de la fiancée, considéraient
comme un devoir de baiser la main de la mère
et des parents du jeune marié. Ils
étaient obligés de supporter
les reproches que ces derniers pouvaient leur
adresser. On faisait pendant quelque temps
contre mauvaise fortune bon coeur, et l'on
supportait momentanément ces usages,
car dans le cas contraire, c'est la fiancée
ou la jeune mariée qui en supporterait
les fâcheuses conséquences et,
en Arménie, comme ailleurs du reste,
on ne plaisante pas avec la mauvaise humeur
de la belle-mère.
Le baise main est
un usage particulièrement odieux et
insupportable pour la fiancée ou la
jeune mariée qui doit baiser la main
de toutes les personnes qui se présentent,
soit chez ses parents, soit chez ses beaux
parents, et ce, plusieurs fois par jour.
Tant qu'elle est
fiancée ou jeune mariée,, elle
doit se présenter à toute personne
qui vient la voir, et la cérémonie,
qui se renouvelle fréquemment, devient
une véritable fatigue et une réelle
obsession. Car la fiancée est lourdement
vêtue, portant en outre sur la tête
le voile dit purunk, qui est très lourd,
teint de couleur rose et qui coûte très
cher.
On fait entrer
la fiancée dans une pièce de
l'appartement, accompagnée d'une jeune
mariée. Elle doit marcher si lentement
que l'opération dure de 5 à
10 minutes. Quand enfin la fiancée
a pénétré dans la pièce,
elle se dirige encore plus lentement vers
l'autre bout de la salle et s'arrête
devant son beau-père. Elle s'incline
très lentement, met un genou par terre
et lui baise la main. Puis elle se relève,
toujours très lentement, et continue,
de la même façon, à baiser
la main des autres personnes présentes.
Ce baise main dure certainement plus d'une
demi-heure.
Cette cérémonie
terminée, la fiancée reste debout
quelques instants, pour se reposer, et on
lui enlève son purunk. On la conduit
dans une autre pièce, d'où elle
revient peu après, pour se montrer
encore, jusqu'à ce que les invités
et les convives aient la discrétion
de se retirer.
Dans ces jours
solennels, la fiancée doit garder le
silence; elle ne doit ni boire ni manger.
Elle n'a le droit de parler qu'une fois qu'elle
est mariée; mais ces usages et ces
coutumes, tendent, dit-on, à disparaître
peu à peu. Enfin, elle va pouvoir se
marier !
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Extrait d'une
conférence de Frédéric
Macler en 1930 en Hollande - adaptation Louise
Kiffer