Par Vahan Ishkhanyan,
Reporter à ArmeniaNow (18/2/05)
Traduction Louise
Kiffer
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Pendant dix ans,
les frères Mirzoyan ont créé
la plus grande écurie d'Arménie
de chevaux de course. Leur nombre s'élève
maintenant à 56 (le second est l'hippodrome
d'Erévan installé à l'époque
soviétique et doté maintenant
de 46 chevaux dont quelques-uns appartiennent
à des particuliers). L'écurie
se trouve dans leur village natal - le village
de Lernamerdz dans la région d'Armavir.
La grande écurie, située dans
une vilaine zone rurale, se remarque de loin
avec son petit bois de jeunes peupliers
"Mon frère
a rapporté le premier cheval d'Etchmiadzine"
dit le directeur Kévork Mirzoyan.
"Ensuite on nous a donné des
chevaux en cadeaux. A un certain moment, nous
avons commencé à nous en occuper
sérieusement. Un cheval c'est un rêve.
Mon papa adorait aussi les chevaux ( son père,
Janpolad Mirzoyan, est un patriote bien connu
des cercles nationaux). Quand il apprit que
nous étions en train d'installer une
ferme d'élevage de chevaux, cela lui
fit énormément plaisir".
Kévork
Mirzoyan, 56 ans, est diplômé
du département de philologie de l'Université
d'Etat d'Erévan . En 1987, avec Parouyr
Haïrikyan, il a fondé "L'Union
pour l'Auto-Détermination", qui
luttait pour l'indépendance de l'Arménie.
Il a travaillé à la Télévision
d'Etat et au Comité de la Radio d'où
il fut exclu en 1988 par le KGB pour ses opinions
politiques. Plus tard, un tribunal le réintégra.
En 1994, il participa à la guerre du
Karabagh.
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Il pense
que la politique est une occupation
préjudiciable, et que c'est le
rebut de la société qui
s'y engage. "La guerre est finie
et je ne sais pas d'où ils sortent
et comment ils sont devenus ministres.
Ceux qui ont lutté sincèrement
pour l'Arménie voient le pays
d'une façon différente".
L'écurie de Lernamerdz est un
morceau de cette "façon
différente" .
Il considère
même le lieu comme un endroit
symbolique - il est au centre du triangle
formé par les trois montagnes,
l'Aragats, l'Ararat et l'Ara.
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L'élevage
de chevaux, pour les Mirzoyan, n'est pas un
business. Le frère de Kévork
est un homme d'affaires qui dépense
de l'argent pour la ferme d'élevage
de chevaux, de ses propres revenus, sans en
attendre aucun profit; "si je vendais
les chevaux, je pourrais acheter une Jeep.
Mais si je faisais cela, je ferais partie
des brutes qui vous prennent 50.000 $ de la
poche. Non pas des drams mais des dollars.
Ils (les officiels) dépensent 12.000
$ par jour dans les casinos, et ils versent
une pension de 12.000 drams par mois au peuple.
Si on leur donnait, à eux, 12.000 drams,
ça leur glacerait le coeur".
Kevork Mirzoyan dit qu'à plusieurs
reprises des gens riches et des officiels
sont venus lui acheter un cheval, mais il
n'a pas voulu le leur vendre. Il leur a dit
qu'ils feraient mieux de dépenser leur
argent à construire une école
dans le village.
Pendant les années
soviétiques, il y avait des fermes
d'élevage de chevaux de course, qui
ont disparu dans les années 90, car
pendant la crise il était impossible
d'entretenir des chevaux. Les Mirzoyan un
jour ont acheté quelques chevaux de
ces fermes d'élevage, et maintenant
ils ont eu une progéniture.
Un employé
de l'écurie, entraîneur de chevaux
Norik Sargsyan, travaillait dans la ferme
d'élevage de chevaux de Ddmashen, qui
était la plus grande et avait environ
80 chevaux. Il se rappelle comment les chevaux
ont commencé à mourir les uns
après les autres à cause du
manque de nourriture. "Il y eut tant
de chevaux morts de faim à cette époque-là;
nous ne pouvions pas trouver de nourriture,
ils ne pouvaient pas supporter le froid de
l'hiver. Il n'y avait pas d'eau, les poulains
sont nés dans de mauvaises conditions.
Un jour je suis arrivé, et j'ai vu
que six d'entre eux étaient morts,
puis dix d'entre eux sont partis à
leur tour."
Norik
Sargsyan a travaillé comme entraîneur
de chevaux et jockey depuis 1972. Il a entraîné
environ 300 chevaux. Il dit que les meilleurs
haras qu'il a vus sont ceux de Lernamerdz,
construits par les Mirzoyan, depuis les fondations
jusqu'au sommet. Ici, il a entraîné
neuf jeunes dans l'art de l'équitation.
Tous les jours, sauf le dimanche, les chevaux
sont entraînés par des entraîneurs
spécialisés. Plusieurs de ces
chevaux ont participé à des
compétitions organisées en Arménie
et ont gagné des prix. L'un d'entre
eux, appelé en arménien "Khélok"
(sage, intelligent) a été classé
premier l'an dernier dans une course appelée
"Appel du Monde" qui a eu lieu ici.
Une vingtaine d'entre
eux sont des chevaux de selle anglais. Les
Mirzoyan ont décidé de créer
une race qui sera un croisement de cheval
local et de cheval anglais. Ils ont déjà
obtenu un tel cheval et ont appelé
l'hybride "Taron".
"Quand
on dit "local" c'est une convention,
en réalité il n'y a pas de tels
hybrides, dit Kévork Mirzoyan. Les
chevaux locaux sont une production de l'époque
soviétique. On apportait les chevaux
de différents endroits et ils se reproduisaient
entre eux. Et puis, les chevaux n'étaient
pas bien entretenus dans les villages, ils
étaient nourris des restes de nourriture
des autres bêtes, et c'est pourquoi
ils n'ont pas une belle allure, leur corps
est petit. Mon but est de créer une
race locale: un cheval-taron. Cette ferme
d'élevage de chevaux sera appelée:
le Complexe Médico-Sportif du Cheval
Taron, où les gens viendront plus tard
monter à cheval. L'équitation
et les services sanitaires se feront ici".
Cependant, les
Mirzoyan considèrent déjà
qu'ils ont atteint leurs objectifs, qui sont
non seulement les leurs, mais aussi ceux de
l'Arménie. "Pendant ces années
où les chevaux sont morts de faim,
la progéniture de quelques-uns d'entre
eux est maintenant ici; nous avons réussi
à la sauver".
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Source : http://armenianow.com/eng/?go=print&id=563
Voir aussi : http://armenianow.com/arm/?go=pub&id=565&issue_id=67
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