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De
milliers de lettres, émanant du Comité
des Mères de Soldats sont adressées
à Moscou. Ces lettres traduisent le
désarroi dans lequel se trouvent les
mères de soldats.
D'abord,
elles éprouvent un sentiment d'injustice
: les riches peuvent payer à leurs
fils l'exemption du service militaire, soit
par des pots de vin aux fonctionnaires, ou
aux médecins, ou toute autre combine.
Elles constatent que ce sont les plus défavorisés
qui font leur service militaire, les pauvres,
ceux qui ne connaissent pas leurs droits.
Autrefois on qualifiait l'Armée Rouge
d' Armée de paysans et d'ouvriers
pour montrer qu'ils étaient près
du peuple, mais ce n'est plus un sujet de
fierté aujourd'hui. Les nouveaux Russes
sont devenus arrogants. C'est le capitalisme,
disent les responsables.
Les
mères, quand elles ont les moyens d'aller
rendre visite à leurs fils, sont effarées
de voir l'état dans lequel elles les
trouvent. Ceux-ci souvent n'osaient rien dire,
par crainte d'être encore plus brimés,
battus, voire torturés, tués
même. Elles les trouvent affaiblis,
maigris, sales, couverts de cicatrices et
n'arrivent pas à connaître les
auteurs de ces mauvais traitements. Elles
écrivent
que les commandant boivent, laissent faire
les sergents, qui abusent de leur pouvoir.
Elles-mêmes ont peur de faire du tort
à leurs fils en précisant le
lieu où ils se trouvent.
Elles
justifient leur point de vue concernant le
service militaire , qui est censé faire
de leurs fils des hommes, forts, endurants,
disciplinés, virils. Ils ne seront
plus des " petits garçons de
leur maman ". Elles ont cru bien
faire en les envoyant à l'armée.
Certains ne travaillaient pas, à l'armée
en principe ils apprennent un métier.
Et qui va défendre la Patrie sinon
?
Toutes
ces lettres montrent l'inhumanité de
l'armée : manque de soins, extorsion
d'argent, de linge, de gâteries, de
cigarettes, de tout ce que la mère
avait remis avec amour à son enfant.
Certaines parlent même de véritables
camps de concentration. Je n'ai pas vu la
pièce russe " Comment j'ai
mangé du chien " mais rien
que le titre m'écoeure.
Et soudain, une pensée m'effleure :
Qu'en est-il des Arméniens de Russie
? J'ai lu que dans certaines régions
ils étaient détestés,
humiliés en permanence.
Une
autre question : ET EN ARMENIE , comment
se passe le service militaire ? Amnesty International
s'occupe surtout des prisonniers, je n'ai
pas l'impression qu'ils s'inquiètent
de ce qui se passe dans l'armée.
Y a-t-il aussi des Comités de mères
de soldats ? Les mères arméniennes,
si dévouées... Quand je fais
la salade pour mes enfants, je leur donne
le coeur, ce qu'il y a de plus tendre, et
là-bas, on les bat peut-être,
ce serait affreux.
Pourquoi
tant de jeunes ont quitté le pays pour
ne pas faire leur service militaire ? Est-ce
vrai qu'en 2003 l'armée arménienne
a envoyé 64 cadavres aux parents ?
Ils se sont suicidés peut-être,
qui sait ? A force de subir des brutalités,
des viols, des brimades, des bastonnades...
on n'a plus envie de vivre, je comprends ça.
Je comprends aussi que personne n'osera répondre,
au risque de passer pour un traître
à la patrie. Toute vérité
n'est pas bonne à dire.
Alors
les choses resteront telles qu'elles sont,
rien ne changera. Les Droits de l'Homme continueront
à être bafoués.
Moi
qui aurait tant voulu apporter de bonnes nouvelles
!
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Louise Kiffer