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THE ARMENIAN-MIRROR-SPECTATOR 15 novembre 2008
Par Artsvi Bakhchinyan

Traduction Louise Kiffer

Thomas Kirchgraber, "Aesthetic Fighters " (combattants esthétiques): Tigran Mikayelyan et le pouvoir des danseurs arméniens, Kirchbag Verlag 2008.


Le photographe allemand Thomas Kirchgraber a donné vie, avec sa femme, la journaliste Ute Fischbach-Kirchgraber, à un projet singulier : Un gros livre bilingue (germano-anglais), livre de photos qui raconte les succès de quatre danseurs de ballet arméniens ambitieux. Le "héros" principal du livre est Tigran Mikayelyan, premier solo du Ballet de l'Etat de Bavière (Munich). "Le Prométhée Arménien" comme le magazine allemand de danse "Takt" l'a appelé.
Ce fut l'idée motrice de Thomas Kirchgraber d'amorcer ce projet en contactant Tigran et en voyageant avec lui en Arménie pour prendre des centaines de photos et en faire un livre.

Les auteurs définissent leur recherche comme "une autre sorte de livre de ballet", pas seulement une collection de photos, ni une analyse des ballets (même si dans le dernier chapitre ils introduisent les chorégraphies réalisées par Tigran Mikayelyan et ses collègues d'une façon tout à fait professionnelle). Leur but est "d'attraper la beauté et la force du mouvement dans les photos et en même temps de faire déborder d'enthousiasme la conscience du spectateur pour cet aperçu de l'effort continu des grands danseurs de ballet pour atteindre la perfection". Le livre s'adresse au "sexe fort" et est, pour ainsi dire, un livre de ballet pour les hommes, avec pour but d'abolir certains préjugés contre "les hommes en collants".

"Le Ballet, c'est la Femme. Les femmes sont plus légères, plus flexibles. Leurs mouvements sont plus beaux. Lui n'est pas le Roi, mais elle est la Reine". Cette citation est de George Balanchine, le chorégraphe le plus important du 20ème siècle. Néanmoins, ce volume présente un véritable Roi du ballet qui, avec ses amis, a prouvé qu'au 21ème siècle le ballet peut être Homme, surtout quand les artistes sont beaux, dynamiques et des Arméniens jeunes et fantaisistes avec de fortes émotions envers leur pays et le concept d'une véritable amitié masculine. Comme l'a déclaré le Directeur du "Bavarian State Ballet", Ivan Liska dans sa préface, il éprouve une grande sympathie pour la dédicace de Tigran "Forceful Feelings" (Sentiments Puissants) que lui et ses amis "souhaitent rendre quelque chose à leur pays, qu'ils sont reconnaissants pour tout ce qui a été rendu possible pour eux. Ils ne s'en détournent pas, au contraire, ils lui rapportent leur qualité artistique, rehaussée par un enthousiasme passionné".

Le premier chapitre de "Combattants Esthétiques" parle de l'enfance de Tigran. Dès le début, la danse fut son monde: il est né dans une famille de danseurs, Susanna Mikalyelyan et Samvel Karapetyan, tous deux solos de l'Ensemble arménien de Chants et Danses Folkloriques. Puis le lecteur suit le développement créatif de Tigran. C'était un petit garçon ordinaire de Yerevan, qui connaissait la vie de la rue avec ses combats. Mais le milieu artistique était plus fort. "Je me suis rendu compte qu'en tant que danseur, je n'en étais pas moins un homme. Afin d'être un danseur de ballet, il n'est pas nécessaire de changer en tant que personne. C'est la même chose, que je danse ou pratique une autre profession," dit Tigran. De 1989 à 1997, Tigran a suivi son entraînement à l'Ecole de Ballet d'Arménie sous la direction d'Armen Grigoryan. Il a été le premier artiste de ballet de sa génération de danseurs de ballet arméniens à avoir reçu le prestigieux prix international de concours de ballet, à Lausanne en 1998, et en conséquence on lui a suggéré de rester travailler en Europe. Sa victoire à Lausanne a "contaminé" les autres danseurs de ballet arméniens, qui se sont mis à participer à ce concours, ont reçu des prix et ont travaillé dans divers pays européens, principalement dans des troupes de ballet d'Allemagne. En 1997, il a reçu une bourse d'étude de la Fondation Noureev et a rejoint le Ballet suisse de l'Académie SBBS à Zurich. Il a reçu plusieurs prix internationaux y compris le 1er Prix du concours de Ballet arménien "Amadeus" ainsi que le Prix Niveau Professionnel du Prix de Lausanne. Après avoir été diplômé en 1998, il est entré au Ballet de Zurich où il a été promu second solo en 1999 et Solo en 2003. Au cours de cette période au Ballet de Zurich il a dansé un vaste répertoire des chorégraphies de Heintz Spoerli, ainsi que le rôle de Dorkon dans "Daphnis et Chloé", le garçon-Solo dans "Rubies", le solo de Hans van Manen, et le "Grosse Fugue", ainsi que "L'Allegro Brillante" de George Balanchine. En tout, Mikayelyan fit 750 performances sur la scène de Zurich. En 2005-2006 il rejoignit le "Bavarian State Ballet" en tant que solo et fut promu danseur étoile au début de la saison 2007-2008. En été 2007, le prix du Théâtre du Münich Merkur et fut nominé pour le "German theatre Award "Faust". En 2007, son pays natal a reconnu Tigran Mikayelyan qui se considère toujours comme un représentant du ballet Arménien, comme "Artiste honoré d'Arménie". Le bref chapitre suivant, "Le Ballet nécessite de Vrais Hommes", est le credo de la profession de Tigran Mikayelyan et quelques idées générales sur la mission d'un danseur de ballet. "Quand j'utilise toute ma puissance physique sur la scène, des congestions émotionnelles pouvant conduire à des réactions de panique ne peuvent pas surgir. Car le ballet ne concerne pas seulement le portrait d'un personnage dramatique, mais également l'utilisation de ses pouvoirs physiques dans la danse. Et cela canalise son énergie. Ces pouvoirs doivent être convertis en un langage corporel de ballet à travers une technique très précise et exclusive. Cela demande une forte quantité d'énergie, et nécessite beaucoup plus d'émotions et de force qu'un acteur, afin de créer un rôle de scène de ballet…Il y aura toujours de la danse. On peut danser dans la plupart des styles différents et s'en réjouir, que ce soit la Salsa, le Hip-Hop, la Techno ou le Pop. Mais ce n'est qu'un bonheur fugitif. Pour moi, le ballet classique est le véritable noyau de la danse, il a créé un langage formel concret pour exprimer de grande émotions qui vous accompagnent tout au long de votre vie. C'est un sentiment merveilleux indicible d'accomplir cela sur scène, pour un auditoire, pour des milliers de gens - sans une parole. On exprime tout avec la danse, le mime, musicalement. Jouer avec la musique est fantastique. Il est vrai que le ballet classique est difficile, mais la vie l'est aussi. La vie a ses côtés sombres, c'est beau et c'est un défi - mais nous avons le choix, à nous de décider comment nous allons nous en tirer".

Le reste du livre est consacré aux "Sentiments Puissants". Ces deux mots caractérisent la manière dont cinq danseurs étoiles arméniens traduisent leur compréhension de l'amitié.
La biographie de chacun d'entre eux a fait l'objet d'interviews, comment ils étaient tous nés à Yerevan, avaient étudié dans la même école, avaient participé au concours de Lausanne, et partagé une grande passion et une dévotion à l'art du ballet. Il n'y a pas de frontières pour de véritables amis, cela ne fait rien si Arsen Mehrabian est solo dans le Ballet de Hambourg, Armand Grigoryan et Vahé Martirosyan sont danseurs étoiles dans le Ballet de Zurich, David Karapetyan est le Danseur Principal du Ballet de San Francisco, et comme nous le savons déjà, Tigran Mikayelyan est le danseur étoile du "Bavarian State Ballet" de Munich. Ils ont fondé "Forceful Feelings" (Sentiments Puissants) en 2005 pour montrer "que les artistes arméniens peuvent obtenir le succès dans le monde entier, qu'une connexion de l'identité arménienne avec l'art européen le plus élevé de la danse peut mener au succès". Les spectateurs d'Erevan ont eu la joie d'assister aux incroyables performances de quatre danseurs arméniens, deux fois, en 2006 et en 2007. Les auteurs du présent volume, les Kirchgraber, les ont accompagnés la seconde fois. Dans le livre, ils se sont concentrés principalement sur le concert de gala à Erevan, intitulé "Sentiments et Camarades Puissants" qui avait eu lieu en juillet 2007 avec la participation de quatre "Combattants Esthétiques" arméniens (sans David Karapétyan) et avec leurs cinq collègues étrangers. Ces artistes invités sont aussi des représentants brillants du ballet moderne: les jumeaux tchèques Jiri et Otto Bubeniceks, directeurs de Dresde et de Hambourg, ainsi que trois ballerines de la Compagnie de Hambourg: l'Autrichienne Patrizia Tichy, la Japonaise Yuka Oishi, et la Canadienne Stéphanie Minler. Ce groupe multiculturel a présenté deux soirées inoubliables au public d'Erevan.

Les auteurs décrivent les répétitions du groupe. Thomas Kirchgraber, le photographe, étant plein d'entrain, a essayé de répéter le mouvement de la danse, dansant bravement "comme le petit Elliot dans le film "I Will Dance" "…mais lorsque les "Sentiments et Camarades Puissants" font leurs sauts lors des répétitions et plus tard dans les galas, alors je sais que rien dans le ballet ne peut se faire juste spontanément, mais doit être préparé soigneusement et professionnellement".

Les Allemands étaient surpris de voir les flashes des appareils photos durant tout le concert. Le public dnale'Erevan ne se soucie pas des droits d'auteurs: ils souhaitaient terriblement rapporter seulement à la maison des souvenirs concrets de la représentation de leurs fils, leurs nouvelles sources de fierté. Les Kirchgraber décrivent entièrement les solos et chorégraphies de "Sentiments et Camarades Puissants" tels que "Le Son des Cordes" (basé sur la musique de Sayat Nova), "Le Théorème des membres", "Noir et Blanc", "Les couleurs de Kazimir", "Amour perdu" , chorégraphie de Norayr Mehrabyan , basée sur des chansons traditionnelles arméniennes, "Abricotier", "Prisonniers du sentiment", "Tambours africains", "La dernière Lettre" (la relation de l'artiste arméno-américain Arshile Gorky avec sa mère, basée sur la musique d'Alan Hovannes); " Places impossibles à atteindre"; "Tout évolue autour de la Table", et finalement "Carmina Burana" dans lequel, comme Kirchgraber l'a fait remarquer, "dans une série de merveilleux pas de deux, les danseurs expriment les différents stades de l'amour - le bonheur sans nuage du premier amour, les taquineries, les désagréments, les pièges de la vie conjugale, la bataille des sexes, les disputes et la séparation temporaire, et une profonde compréhension mutuelle des partenaires fous de joie". "Puis vint la finale improvisée librement de tous les danseurs: "Carmina Burana", une équipe unie pour ce remarquable gala de ballet, loin d'Erevan, de tous les coins du monde".

Le livre "Aesthetic Fighters" est une merveille de relations publiques pour l'Arménie. Qu'importe que les auteurs déclarent que "Erevan est dangereux" faisant allusion à la circulation pénible dans les rues de la ville et à la façon dont ils sont tombés sur un combat de rue à cause de l'enlèvement d'une jeune fille alors qu'ils allaient en visite chez les parents de Tigran.
A travers ses pages, le lecteur voit non seulement la passion créatrice d'une vieille nation vis-à-vis des nouvelles formes d'art, mais aussi comment ils ont une idée de son histoire, de sa culture, et de la vie courante de cette nation. Il voit aussi les photos de l'antique temple païen de Garni, le magnifique bâtiment du Théâtre de l'Opéra et Ballet d'Erevan (même si l'information de sa construction en 1911 et la direction de l'Opéra de Spendiaryan "Anouch" est fausse) et le Mémorial du Génocide de Tsitsernakaberd. Oui, des sujet pénibles sont inévitables, car ils sont aussi reflétés dans les chorégraphies des danseurs arméniens.
Le livre conclut par des notes de remerciements. Le manuscrit de Tigran Mikayelyan reconnaît d'abord qu'il doit tout à ses parents, "qui m'ont aidé à réaliser combien le monde du ballet est merveilleux et riche".
Tourner seulement les pages du livre est un grand plaisir esthétique. On est ravi de découvrir les photos d'un grand professionnalisme de Thomas Kirchgraber et de partager son enthousiasme pour l'art du corps et du ballet.

Ce volume est le premier en langues occidentales consacré aux artistes de ballet arméniens.

En outre, c'est le premier et le plus gros livre sur le ballet arménien. L'histoire du ballet arménien, jusqu'à présent, reste non-étudiée et non-publiée. Les membres de "Forceful Feelings" sont les nouveaux héros culturels d'Arménie. Leurs activités, bien qu'elles eussent été exercées hors d'Arménie, représentent une nouvelle page d'or de la danse sur scène arménienne. De nos jours, il y a environ trente danseurs d'Arménie dans différentes troupes de ballet européennes. L'espoir du ballet arménien est qu'un jour ces brillants artistes reviennent travailler dans leur pays natal…

http://www.aesthetic-fighters.de
http://www.forcefulfeelings.com

Merci à Artsvi Bakhchinyan de nous avoir adressé cet article, ainsi que les photos.


Opéra d'Erevan :