INTRODUCTION.
Moïse
de Khorène naquit dans la seconde moitié du
quatrième siècle, à Khorni, appelé aussi
Khoronk, bourg assez considérable du canton de
Daron. C’est le nom de son lieu de naissance
qui a fait désigner Moïse par le surnom de
Khorénatzi, et quelquefois Daronetzi
(de Daron), que les Arméniens emploient pour
le distinguer de ses homonymes.
Son oncle
Mesrob prit soin de son éducation, et bientôt
Moïse se fit remarquer parmi ses condisciples
par son zèle et son aptitude à seconder les
intentions de ses maîtres et de ses
protecteurs.
Moïse fut
bientôt désigné par le choix du saint Sahag,
comme l’un des missionnaires que, sur l’ordre
du roi Vram Schapouh, le patriarche de
l’Arménie envoya en Syrie, en Égypte et en
Grèce pour se perfectionner dans l’étude des
langues.
Il visita
d’abord le canton de Siounie, puis Édesse,
centre des études littéraires de la Syrie,
Antioche, Alexandrie, Byzance, Athènes et
Rome. Dans ces différentes villes, il
s’attacha à des maîtres habiles qui tenaient
école; il fréquenta les bibliothèques et les
archives, et s’adonna avec ardeur à l’étude
des langues syriaque et grecque. La tradition
raconte aussi qu’il avait acquis une grande
renommée comme rhéteur, et que l’empereur
Marcien lui prodigua publiquement des éloges
sur sa science et sur son érudition.
De retour
dans sa patrie, après ses lointaines
pérégrinations, Moïse trouva l’Arménie dans un
état complet d’anéantissement. Le trône des
rois était renversé; Saint Sahag et Mesrob
étaient morts; et tous les efforts que ses
maîtres avaient faits pour lancer l’Arménie
dans la voie de la science et du progrès
venaient d’être frappés d’une désolante
stérilité.
Les
Arméniens, plus préoccupés des événements qui
s’étaient accomplis que du moyen d’en conjurer
le retour, se montraient indifférents envers
les savants qui seuls pouvaient les consoler
dans leur infortune. Aussi Moïse et ses
compagnons, découragés par l’insouciance de
leurs compatriotes, prirent le parti de se
retirer dans la solitude.
Moïse
vécut ainsi dans l’isolement et la pauvreté
pendant dix ans de sa vie. Cependant
l’oppression que les Perses faisaient peser
sur l’Arménie commença à être moins
douloureuse; la tyrannie des Sassanides se
lassa de répandre le sang des vaincus, et le
patriarche Kiud, étant monté sur le siège
pontifical, appela auprès de lui ses anciens
compagnons d’étude.
Moïse de
Khorène, qu’une circonstance imprévue ramena
auprès du patriarche, fut consacré par lui, à
la mort d’Eznig de Goghp, comme évêque de
Pakrévant et des Arscharouni.
Aussitôt
arrivé dans son diocèse, Moïse ouvrit des
écoles et attira auprès de lui de nouveaux
disciples; c’est du moins ce que raconte la
tradition, qui s’est plu à entourer la vie de
Moïse d’une foule de circonstances
particulières, dont l’histoire n’a pas
conservé le souvenir.
On ne
saurait fixer avec exactitude l’âge
qu’atteignit Moïse de Khorène, qui parvint, à
ce que l’on croit, à une extrême vieillesse.
Selon un historien arménien, il aurait
prolongé sa vie jusque sous le règne de Zénon,
en 487, et serait mort âgé de plus d’un
siècle. Tout ce que l’on sait de positif sur
les circonstances de sa mort, c’est qu’il
était dans le canton de Daron, quand l’âge et
les infirmités le conduisirent au tombeau, et
qu’il fut enseveli dans l’église du monastère
des Apôtres, qu’on appelait aussi couvent de
Lazare ou d’Éléazar, et qui était situé dans
les environs de la ville de Mousch.
Moïse de
Khorène appartient à la classe des disciples
de saint Sahag et de Mesrob, et fait partie du
cycle des seconds traducteurs. On sait qu’il
travailla à la version des Livres-Saints, que
les Arméniens entreprirent de donner d’après
le texte grec de la Bible des Septante.
Quelques critiques lui attribuent, non sans
raison, la traduction de la Chronique
d’Eusèbe et la Vie d’Alexandre du
Pseudo-Callisthène, ainsi que d’autres écrits.
Mais ce qui
contribua surtout à répandre la réputation de
Moïse, ce sont ses travaux originaux, dont le
nombre est très considérable, et dans lesquels
il se montre à la fois théologien, historien,
rhétoricien, géographe et panégyriste.
Son
principal ouvrage est l’Histoire d’Arménie
qu’il rédigea à la demande de Sahag le
Bagratide, et qu’il composa à l’aide des
écrits des Grecs, des Syriens, des Chaldéens,
et des sources nationales et bibliques. Sa
vaste érudition lui permettait d’entreprendre
une œuvre aussi capitale, et c’est l’ensemble
des matériaux dont il a tiré parti, joint au
talent d’écrivain qu’il a déployé dans cet
ouvrage, que Moïse doit le privilège d’être
classé à la tête des historiens de sa nation…
En dehors
des grands ouvrages de Moïse de Khorène, on
doit encore à cet écrivain plusieurs
opuscules. Le principal est l’Histoire de
la sainte Mère de Dieu et de son image.
L’histoire
ecclésiastique arménienne rapporte que, dans
le monastère d’Hokotz-Vank, situé dans le
canton d’Antzévatzi, province de Vasbouragan,
on révérait une image de la Vierge en bois de
cyprès, que l’on disait avoir été sculptée par
l’évangéliste Jean. A la mort de la Vierge,
Barthélemy fut le seul des apôtres qui
n’assista pas à ses derniers moments, parce
qu’il prêchait alors l’Évangile en Arménie.
Ses
compagnons, pour lui laisser un souvenir de la
Mère de Dieu, lui firent don de cette image
qu’il emporta en Arménie, et dont il dota une
église auprès de laquelle on éleva le
monastère d’Hokotz.
Sahag l’Ardzrouni
demanda à Moïse de Khorène d’écrire l’histoire
de cette image et de la lui adresser. Moïse
accéda au vœu de Sahag, et composa cet
opuscule qui nous a été conservé.
Moise
écrivit aussi une Apologie de sainte
Hripsimè, qui est différente de l’histoire
des pérégrinations des Hripsimiennes, qui a
été composée à une époque postérieure.
Enfin on
attribue encore à Moïse de Khorène une petite
prière conservée dans les livres d’office, en
usage dans l’Église arménienne.
Les œuvres
de Moïse de Khorène ont été publiées en
arménien, tantôt complètes et tantôt par
parties. Sarkis, archevêque de Constantinople,
publia une édition des Œuvres de Moïse de
Khorène en 1752.
Des écrits
séparés sont aussi sortis des presses des PP.
Mékhitaristes de Saint-Lazare de Venise, qui
ont également publié les Œuvres complètes de
Moïse de Khorène, dans la « Collection des
classiques arméniens ».
Victor
Langlois
Source :
http://remacle.org/bloodwolf/historiens/moise/histoire.htm#LIVREI
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Un petit poème
de Moïse de Khorène, traduit par Vahé Godel :
« Ardashès,
le grand roi, sur un beau coursier noir
tirant la longe de cuir pourpre aux
anneaux d’or,
franchit le fleuve, rapide comme un aigle,
lança la longe rouge alourdie d’anneaux
d’or
sur la jeune princesse des Alains,
rudement l’enlaça par le milieu du corps,
pour l’entraîner aussitôt dans son camp. »
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