« LES BIENFAITS DU CHANT SUR LA SANTÉ »

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Extrait d’un vieux recueil de chants « ARARAT » de Meguerditch Barsamian

Les chants populaires arméniens

Depuis les temps les plus reculés, le chant a présenté un grand intérêt pour la médecine.
Sophocle, dans Oedipe Roi, témoigne que les Grecs défilaient en chantant pour éloigner les épidémies.
Pindare dit qu'Askredbios soignait ses malades en les environnant d'un bain de chants très doux.
Platon affirme que sans chants, les médicaments ne font aucun effet.
Plutarque rappelle que Tarétas de Crète, musicien, a sauvé les Spartiates de la peste grâce à la musique.
Théophrase écrit que la sciatique se soigne avec de la musique prussienne.
Enfin, d’après la Bible, David, avec sa musique, avait soigné la mélancolie de Saül.
(Tous les Psaumes écrits par David sont chantés, parfois même accompagnés d’instruments à corde.  Ndt)

Sans doute, ces témoignages ne sont -ils que des légendes, mais depuis les temps les plus anciens de l'histoire, les peuples savaient que la musique ou le chant avaient une importante influence sur l'état des êtres vivants, c'est une vérité qui est reconnue jusqu'à ce jour.

Plutarque, musicien, Aristotèle, Athénéos, accordent une très grande efficacité à la musique, non seulement sur le moral mais aussi sur les capacités physiques. 
Homère dit que les soucis se dissipent et le caractère s'améliore.

Plutarque raconte que la musique ionnienne était si molle, si dépourvue de fantaisie, si douillette, qu'un musicien ionien Dimothéos, avait  été accueilli par des sifflets de mépris à Athènes.
Mais chez
les Lacédémoniens il a été prouvé qu'elle détériore le caractère des jeunes gens, en les rendant faibles, et en tuant leur âme virile, si profonde est l'influence de la musique sur eux.

En vérité, un chant national suisse provoquait une telle nostalgie, que dans l'armée française, les volontaires pour s'inscrire, lorsqu'ils entendaient ce chant, s'échappaient, quitte à affronter tout danger.

Les Grecs reconnaissaient que tout air de musique (ils avaient divisé la musique en 4 parties) avait une action particulière sur leur âme. Les airs prussiens leur inspiraient fureur et courage, d’autres airs, l’amour, ou tristesse et soupirs, ou soulagement et méditation .

Platon, pour comprendre le caractère et le tempérament d'un jeune homme, disait: Parle, pour que je te voie !

Le docteur Etienne St-Marie, écrit dans les notes qu'il a jointes à Roger pour la traduction de son ouvrage :
« Traité des effets de la Musique sur le corps humain « (p.263): quelqu'un qui a l'oreille fine peut comprendre les aptitudes morales, le comportement, le caractère des individus.
Et se souvient de quelqu’un qui déclarait : « quand on me dit: Bonjour Monsieur, ces deux mots me suffisent pour comprendre ses prétentions - la politesse peut couvrir l'homme derrière ses paroles, mais elle ne peut pas le couvrir derrière la sonorité de ses déclarations.

Enfin, Hypocrate, en écoutant la voix, découvrait les troubles de la santé.

Outre la pathologie, la psychologie influe sur les nuances de la voix, elle peut s’évanouir brusquement sous l’influence de la peur. La joie la remplit, l’admiration l’allonge.

Le climat aussi influe sur la voix et sur les chants.

Les chants populaires, qui ne sont pas les fruits de la musique, mais l’expression des conditions du climat, de l’originalité et le goût du pays.

C’est la cause pour laquelle les émigrés, en entendant ces chants, éprouvent une profonde mélancolie.

De même, les chants populaires reflètent les gloires de la population à laquelle ils appartiennent, ainsi que leurs coutumes, leur histoire, leur caractère, et même leur aptitude intellectuelle et artistique, lorsqu’ils ont étudié leurs possibilités vocales.


Les Grecs traduisaient par leur musique toute leur civilisation, c’est pourquoi ils considéraient comme barbares ceux qui ne savaient ni chanter ni jouer de la musique.

Le théâtre n’était pas seulement une distraction, mais un événement public important. C’est pourquoi, d’après le témoignage de Plutarque, les Hellènes faisaient plus de frais pour leurs représentations que pour la guerre contre leurs ennemis.

Pour ces représentations, ils se préparaient, avec tous les soins possibles et impossibles pour leur voix. On raconte qu’un jeune homme pour adoucir sa voix, absorba une liqueur qui s’avéra être un poison et causa sa mort.

Les acteurs et chanteurs s’abstenaient de relations sexuelles avant les fêtes pour que leur talent soir à son summum.

En outre, la musique joue un rôle décisif sur la disposition spirituelle et la vie publique.

Tournons-nous maintenant vers nos « hymnes » que nous appelons « charagane » .

C’est toute notre histoire qui repose en eux, toute notre patrie.

Chanter signifie se souvenir, et vivre son enfance, le lieu de son enfance.

L’un des plus grands défenseurs de notre patrie, Archag Tchobanian, disait avant la guerre : 

« Dans la solitude, je chante un charagane, dans la foule, je chante encore un charagane, mais en pensée. »

C’est la nostalgie de la patrie et de l’enfance qui provoque cette « maladie ».

Chantez des charaganes, car non seulement cela adoucit votre peine d’être séparé de votre patrie, mais aussi vous procure le goût de l’art.

Car, comme l’écrit Gabriel Avédikian (‘Histoire de la Poésie – Bruxelles 1886, p. 44 )  « Les charaganes sont les plus précieux diamants de notre culture musicale.

« Après les charaganes, chantez nos chants traditionnels, qui donnent le goût de l’arménité à ceux qui l’ont perdu.

Shakespeare, dans ‘Le Marchand de Venise’ écrit :  « L’homme qui n’a pas dans l’âme la mélodie des voix et qui n’en est pas ému, est proche de la tromperie, de la trahison, du vol ; ne faites pas confiance en un tel homme. ».

Emplissez donc votre âme de chants et de musique, surtout de chants arméniens.

Chavarch NARTOUNI
Traduction Louise Kiffer.

D’après l’introduction du livre « ARARAT » , recueil de chants arméniens de Meguerditch BARSAMIAN . Imprimé à Paris

« Chavarch NARTOUNI , (1898-1968) était né à Armache, près de Constantinople.

Nartouni  (Ayvazian) avait fréquenté l’école du village, ensuite le Guétronagan de la ville d’Adapazar, enfin l’école militaire de Constantinople d’où il fut exclu.
Il arrive en France en 1923 pour faire des études médicales à Paris.
Médecin interne à l’hôpital psychiatrique d’Amiens, Nartouni collabore très tôt à la presse arménienne de Paris, fait partie, jusqu’à sa mort, de la rédaction de Haratch.
Il dirige l’Union des Arméniens de Paris, fonde l’Union des Orphelins adultes dont il dirige la revue ; ensuite, pendant de longues années, il publie la revue médicale, HAY POUJ, (médecin arménien).
En 1931, on le trouve à la tête de la revue MENK.  Sa signature apparaît dans toutes les revues de la capitale, de Zvartnots à Andastan.
Il meurt à Marseille. »

(Extrait de ‘Cinquante ans de littérature en France’ de Krikor Bélédian (CNRS Editions).