Un
article du journal « LE TEMPS » du 27 octobre
1915
L'Unité d'action.
« Les
troupes serbes relevées dans la région de
Stroumitrza par les contingents français, se
sont retournées contre les Bulgares
dont la marche dUskib (Skoplié) vers le
nord se trouvera retardée par la nécessité de
se protéger contre de nouvelles attaques.
Ce
résultat, dû à l'arrivée des troupes
françaises en Serbie, démontre ce que l'on
aurait pu faire si l'envoi de secours n'aurait
pas été aussi
tardif et aussi lent.
Mais nous n'avons plus qu'à accepter ce qui
est, et à réparer ce qui sera
.
Sans
distraire son attention des opérations qui se
poursuivent en France, en Russie et sur le
Carso (Karst), l'opinion publique des
nations qui forment la
Quadruple Entente sent d'instinct toute
l'importance du nouveau théâtre de la guerre.
Moins
déconcertée que certains diplomates par la
trahison bulgare, elle s'est reprise
rapidement et le bon sens populaire n'a pas
tardé à comprendre
que dans les Balkans comme ailleurs, il
fallait faire face aux Allemands et les
empêcher de percer.
Des
résistances se sont toutefois rencontrées,
alléguant qu'il était inutile de courir
puisqu’on arriverait trop tard.
Pour appuyer leurs thèse les abstentionnistes
ont même prétendu, en France et en Italie, que
le haut commandement militaire condamnait
l'expédition
de Salonique, alors qu'au contraire il en est
partisan. Nous ajouterons que Lord Kitchener
est du même avis et que le Tsar a promis
l'envoi d'une
forte armée de secours.
Il n'est pas possible d'envisager des délais
lorsqu'il s'agit d'empêcher les Allemands
d'arriver au Bosphore pour permettre aux
Turcs,
ravitaillés et réconfortés, de se défendre
avec succès ou même de reprendre l'offensive
aux Dardanelles, En Egypte, au Caucase et à
Bagdad et peut-être
ailleurs encore.
Lord Lansdowne déclarait hier à la chambre
des Lords que la désertion de la Grèce avait
modifié la situation au détriment des Serbes
en leur enlevant l'appui le plus immédiat sur
lequel ils étaient en droit de compter, et que
les conseillers militaires et navals de la
couronne
étudiaient le meilleur emploi qui pourrait
être fait des contingents britanniques
actuellement en route, d'après la situation
qu'ils trouveraient en arrivant sur les
lieux.
Sans vouloir jouer le rôle de stratège amateur
que Lord Landsowne a condamné avec raison, il
semble que les considérations militaires et
politiques,
dont parlait le représentant du gouvernement,
commandent d'agir vigoureusement et
promptement dans les Balkans mêmes, en prenant
d'abord pour
base Salonique et en suivant en Serbie le
corps d'armée français qui se trouve déjà
engagé contre les Bulgares.
Le principal est de sauver l'armée
serbe et de conserver le concours de ses 300
000 baïonnettes pour tenir en échec les
Allemands et les Bulgares, et les empêcher de
rejoindre les Turcs.
Ce que l'on pourra faire aujourd'hui avec 150
000 soldats alliés on ne saurait l'accomplir
qu'avec infiniment plus de troupes après
l'écrasement des Serbes.
La
partie n'est pas perdue mais à condition
d'envoyer des troupes.
C'est aussi de la vigueur et de la promptitude
de l'attaque combinée des alliés contre la
Bulgarie que dépendent l'attitude future de la
Grèce et l'intervention
de la Roumanie.
Le roi Constantin tient à conserver l'épée au
fourreau, mais sa volonté de rester en dehors
de la guerre pour ne pas se trouver
en face de l'Allemagne n'est pas plus forte
que les circonstances.
L'opinion grecque n'est pas encore résolue à
abdiquer et M. Venizelos n'a pas rappelé en
vain
lundi dernier à la chambre que la majorité du
parlement et du pays était avec lui, et que
c'est par la grâce de son parti que le
gouvernement reste au pouvoir.
Il
importe que la nation hellène soit assurée,
par la vigueur de l'action de tous les alliés
contre la Bulgarie, que ce pays n'a plus à
attendre d'indulgence d'aucun des
membres de la Quadruple Entente.
Il
faut aussi que le courant populaire qui se
manifeste en notre faveur en Roumanie se sente
encouragé par de promptes manifestations de
l'unanime résolution
de la Quadruple Entente
On peut croire en effet que lorsque l'envoi
des forces alliées, que le gouvernement de
Bucarest tient à voir sur le théâtre oriental
de la guerre, tant au sud qu'au nord, sera en
voie de réalisation, les dernières hésitations
de M.Bratiano disparaîtront.
L'intérêt que l'un ou l'autre des alliés porte
plus particulièrement à telle ou telle région
ne doit pas entrer en ligne de compte, car il
s'agit de voir au plus près.
Plus
que jamais les alliés sont solidaires les uns
des autres. Leur effort individuel ne doit
avoir d'autre mesure que l'intérêt de tous.
Celui-ci se résume en peu de mots:
il faut battre l'Allemagne.
Si nous n'accomplissons pas aujourd'hui dans
les Balkans cette tâche essentielle et
indispensable, un jour viendra où
chacun sera réduit à s'y efforcer pour son
propre compte sur le terrain où l'Allemagne,
avec les forces turques réorganisées,
l'attaquera en Egypte, en Mésopotamie au
Caucase, pour ne citer que les entreprises les
plus prochaines .
Et ce jour-là le péril germanique sera
autrement redoutable qu'en ce moment où tout
allié a la
bonne fortune de pouvoir faire appel au
concours absolu et sans condition de tous les
autres.
Le
gigantesque effort allemand se brise partout
où il s'est manifesté contre les armées
alliées dont rien ne peut faire fléchir le
courage et la volonté.
Que la déception diplomatique subie à Sofia
soit réparée par la vigueur et la promptitude
de l'action militaire sur le nouveau front des
Balkans, on ne saurait trop le répéter, car de
la rapidité d'exécution des mesures arrêtées
dépend l'issue de la campagne d'Orient. »
Guerre des
Balkans. Pour en savoir plus :
http://www.mediatheque-patrimoine.culture.gouv.fr/fr/archives_photo/visites_guidees/balkans.html
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