ADABAZAR
- (ADAPAZARI, en turc)
En l’an
1400, Tamerlan conquérant tatar, parcourut le
pays en dévastant et semant la mort.
A Sivas (Sébastia) 4000 soldats furent
enterrés vivants.
A Van, tous les habitants furent précipités
des falaises.
Au mois de mai 1400, 400 familles représentant
de 1500 à 2000 personnes s’enfuirent de
Sébastia.
Elles arrivèrent dans la ville de Maladjelar,
après avoir effectué un parcours de 700 km en
environ deux mois, heureusement en été. Le
quartier de Maladjelar existe peut-être
encore…
Deux parcours possibles :
Sivas,
Tokat, Amassia, Tchoroum ; Kanghéri, Tcherkess,
Guérédé, Holou, Douzdjé, Adabazar.
Ou Sivas, Akdach, Maden Yozrad, Tchanguere,
Tchekess, Guerédé, Bolou, Douzdjé,
Adabazar.
Ils étaient
guidés par un notable nommé DONIG et trois
ecclésiastiques. On suppose que lors de leur
voyage ils ne furent pas maltraités par les
Turcs, car ils fuyaient Tamerlan, leur ennemi
commun, qui ravageait l’Empire Ottoman.
En des temps reculés, la Mer Noire venait
jusqu’à Adabazar. En creusant la terre par la
suite, des restes de bateaux apparaissaient.
Ils trouvèrent un terrain marécageux. Des
marais étaient formés par le débordement du
fleuve Sakaria.
Les terres n’étaient ni cultivables, ni
habitables pour être revendiquées par qui que
ce soit.
Ils élurent domicile sur les terrains de leur
choix et nommèrent la ville DONIGACHEN ;
Lorsqu’ils arrivèrent, les Turcs et les Grecs
habitaient sur les collines.
L’accueil que leur firent les Grecs fut froid.
En revanche, Fezi Agha, un propriétaire turc
qui avait besoin de main-d’œuvre, procura à
une partie de ces Arméniens travail et refuge
hors marais. Ils devinrent agriculteurs.
DONIG voyait avec crainte le départ des
Arméniens chez Fezi Agha. Il pensait qu’il
valait mieux rester groupés.
En 1404 une forte tempête avec une pluie
abondante, provoqua d’importantes inondations.
Il fut difficile de maintenir les tentes et il
y eut de nombreux morts.
Afin d’éviter que de telles catastrophes se
reproduisent lors des grandes pluies, ils
transformèrent en polders les parties basses
bordant le Sakaria.
Les marais desséchés devinrent des prairies.
(En 1870, des travaux effectués par une
société française apportèrent des
améliorations en changeant le cours du Sakaria).
Il y avait sur le Sakaria un pont nommé Béch
Keupru ou Pont Justinien, car il fut construit
au 6ème siècle par l’empereur Justinien. Sa
longueur était de 270 mètres et avait 14
arches. Il était destiné à régulariser les
flots du Sakaria.
On dit que c’est également l’empereur
Justinien qui fit construire Sainte Sophie.
Vers 1460, le sultan Fatihi autorisa par
décret le remplacement éventuel des tentes par
des constructions en bois ou en terre. Des
facilités furent offertes à la population.
Dès que maisons et églises furent construites,
le Sultan s’empressa de prélever des impôts
sur ces constructions.
Dès 1461, après la prise de Constantinople,
les Turcs, jaloux des Arméniens leur créèrent
de petits ennuis, tels que :
-
Interdiction de monter à cheval ou sur un âne.
Seul le mulet était autorisé, à condition de
s’asseoir de côté.
- Interdiction de porter des vêtements de
couleur
- Impossibilité d’enterrer des morts sans
autorisation de l’Imam.
D’autres
immigrés d’origine arménienne arrivèrent d’Agn,
Tokat, de Perse, de Hongrie et d’autres pays
d’Europe. Ces Arméniens avaient fui le nord de
l’Arménie au XI ème siècle.
La ville de DONIGACHEN fut baptisée ADA (île).
Elle devint un centre commercial important,
situé sur le chemin des caravanes. On ajouta
alors à Ada, le mot Bazar.
Grâce aux réfugiés arméniens, commerçants et
artisans, le village évolua rapidement.
En 1620, un voyageur français, Jean-Baptiste
TAVERNIER, évoque un bon vin à ADA, ville en
majorité arménienne. Il devait donc y avoir
des vignes.
Entre 1400 et 1800, peu d’informations sur la
communauté arménienne, car des écrits furent
cachés par l’église à une certaine époque, et
ne furent jamais retrouvés.
Quelques récits de voyageurs français vers
1800 relatent le sens de l’hospitalité de la
population arménienne, le charme de la ville
avec ses maisons en bois fleuries. Ils
trouvent également les Arméniens travailleurs,
chaleureux, opiniâtres et créateurs.
Adabazar se trouve à 45 km d’Ismidt et 120 km
d’Istanbul.
En 1897, la voie ferrée Istanbul-Bagdad
passait à Adabazar. Le trajet Adabazar
Istanbul durait 4 – 5 heures. Ismidt-Istanbul
par bateau durait 6 – 7 heures.
La proximité de la capitale et la facilité des
moyens de locomotion faisaient d’Adabazar une
ville culturelle, à l’avant-garde.
Un tremblement de terre avait lieu tous les 40
– 50 ans. Il y en avait eu d’importants en
1874 – 1894
Un autre en 1942 n’arrangea pas le peu qui
restait des maisons des Arméniens, non
entretenues par les Turcs. Information
recueillie auprès de personnes retournées à
Adabazar et qui n’ont plus reconnu la ville.
On tenait compte des tremblements de terre
pour construire les maisons.
Chacun était propriétaire de sa maison aussi
petite ou ancienne fût-elle.
Il était très difficile pour une personne de
l’extérieur de trouver une location.
Il était rare qu’un visiteur aille à l’hôtel.
Il suffisait qu’une personne le connaisse un
peu pour
qu’il devienne son hôte.
Les quartiers turcs, la gendarmerie et les
services publics étaient situés sur les
hauteurs de la ville, près de la gare.
Il y avait un moulin à eau sur la rivière
Tcharkh. Son eau était potable et alimentait
les nombreuses fontaines publiques.
Les familles avaient leur réserve d’eau dans
des fûts enterrés dans lesquels ils mettaient
un grand clou qui se rouillait. Pour quelle
raison ?
Il y avait aussi des puits avec eau non
potable.
Il y avait à Adabazar, le prélat Stépan
OVAGUIMIAN, né en 1846, de stature imposante.
Il était le supérieur des quatre églises
situées dans les quatre quartiers arméniens,
ainsi que des 50 villages alentour. Il mourut
en Bulgarie en 1934.
L’administration de l’église ne lui réglait ni
ses gages ni son loyer. Ce furent les
Adabazartsis et autres Arméniens de Sofia qui
l’aidèrent.
Il était imaginatif et diplomate. Grâce à ces
qualités, la population arménienne bénéficia
d’un certain bien-être.
Les autorités turques avaient beaucoup
d’estime pour lui et le consultaient dès qu’il
y avait un problème à régler.
Voici deux faits qui permettent de le juger :
Les Arméniennes devaient devaient passer dans
le quartier turc pour aller au hammam avec le
risque d’être attaquées par des voyous. Il fit
donc construire en 1874 un hammam public dans
le quartier de Hrechdagabéd, renommé dans
toute la Turquie.
Il
profita du chantier pour augmenter le nombre
des fontaines publiques.
Après le tremblement de terre de 1874, l’une
des églises, endommagée, représentait un
danger pour les ouailles.
Il convoqua toute la population dans l’église
et fit part de son intention de démolir
l’église et d’en construire une autre. Le
travail serait effectué les dimanches. Il
suggéra de commencer à la démolir de suite.
Ensuite, il donna des instructions pour la
récupération de différents matériaux, sable,
cailloux, etc… que chacun s’arrangea pour
apporter près de l’église. Enfin, il se
débrouilla pour trouver la somme nécessaire à
la reconstruction.
Lorsque l’église fut sur le point d’être
terminée, l’une des voûtes s’écroula sans
qu’il y ait de victimes. Le pasteur de la
ville, publia alors un article déclarant : «
la population ayant travaillé le dimanche,
Dieu, en colère, a créé cet incident ».
La voûte fut reconstruite et l’église
terminée. Le prélat demande alors au pasteur
de publier que la reconstruction de l’église
est terminée et qu’elle tient debout.
L’église de Stépannots construite en bois
était en mauvais état, mais sous le sultan
Hamid aucun permis de construire n’était
délivré pour une église.
Lorsque le prélat visitait les différents
villages arméniens, il traversait un village
turc d’une centaine d’habitations, qui n’avait
pas de mosquée. La population de ce village
l’appelait ‘le gentil curé des guiavours
(infidèles) parce qu’il distribuait de
l’argent lorsqu’il le traversait.
Un jour il décida de s’y arrêter et demanda à
un villageois de bien vouloir prévenir les
autorités qu’il aimerait avoir un entretien
avec eux.
Il leur demanda s’ils souhaitaient avoir une
mosquée ? La réponse fut oui, mais avec quels
moyens ? La population de ce village n’était
pas riche. Le prélat fixe la date de son
passage dans le village dans 5 jours, et
demande que la population du village et
d’alentour apporte de l’argent ou toute autre
marchandise pouvant être vendue : œufs,
poules, etc…
Le 5ème jour, accompagné du maire, ils
emportent la marchandise en ville. Des
commerçants arméniens achetèrent toute la
marchandise à un prix très élevé. Cette somme
fut remise au maire heureux et à la grande
joie des villageois. Le prélat les informa
qu’il se chargeait de trouver les
professionnels et de régler leurs honoraires,
mais leur demanda de faire la demande de
permis lui-même.
Sans dévoiler son plan à quiconque, il alla
voir les autorités et fit sa demande en
commençant par celle de la mosquée.
C’est ainsi que le village turc eut sa
mosquée, et nous notre permis de construire
l’église.
En 1879, la répression par la Russie des
mouvements d’indépendance dans le Caucase et
l’occupation des Russes de Kars et Ardahan,
avaient chassé de ces régions les Circassiens
(Tcherkesses) Turcs, Turcomans et Lazes qui
vinrent se réfugier dans l’Empire Ottoman.
Les autorités turques qui avaient conçu le
projet de drainer ces minorités vers les
vilayets arméniens, avaient fortement
encouragé ce mouvement en faisant circuler des
tracts leur garantissant des emploi bien
payés, des terres… 28 000 s’installent à
Adabazar dont 25 000 Tcherkesses (qui
paraît-il étaient gentils). Contrairement à
ses promesses, le gouvernement ne fit rien
pour les prendre en charge, à part nommer ,
pour les réfugiés, des commissionnaires, qui
extorquèrent de l’argent d’une part aux
autochtones, en les menaçant de parquer les
réfugiés dans leur voisinage, d’autre part aux
réfugiés en les menaçant de les fixer sur des
terres stériles, finalement, gardant l’argent
pour eux. Certains des réfugiés reconnurent
que le gouvernement russe les traitait bien,
mais qu’ils avaient été alléchés par les
promesses du gouvernement turc, qui reniait
ses engagements et leur interdisait de
repartir dans leur pays d’origine.
En créant cette situation, le sultan visait à
provoquer un conflit entre les réfugiés et les
populations chrétiennes locales. Où allèrent
ces réfugiés par la suite ?
Dans les années 1900, il y avait à Adabazar
environ 40 000 habitants dont la moitié
étaient des Arméniens : 550 noms x 40 (avec
ramifications). L’autre moitié représentait en
majorité des Turcs et des Grecs, et le reste
des Juifs. Il y avait également des Tatars
venus de Crimée, des réfugiés turcs de
Roumélie (ancienne province turque annexée à
la Bulgarie ) et des Circassiens du Caucase
(Tcherkesses).
Les trois communautés majoritaires, turque,
grecque et arménienne, vivaient dans des
quartiers différents, en bonne intelligence,
avec chacune ses coutumes, religion et langue.
Chaque communauté avait besoin de l’autre ne
serait-ce que pour des raisons
professionnelles complémentaires.
Il y avait 6 mosquées – 2 églises grecques –
un temple protestant à côté du collège de
filles
HAYOUYANTS . La religion catholique n’avait
pas réussi à s’infiltrer à Adabazar.
Adabazar était divisée en 4 quartiers avec
chacun son église. La liste ci-dessous est
classée par ordre d’importance :
1. Soup Hrechdagabed avec une partie peuplée
de Grecs. Le hammam et le marché se trouvaient
dans ce quartier.
2. Sourp Garabed. Le nouveau cimetière était
situé dans ce quartier, l’ancien dans le
quartier de Maladjelar.
3. Sourp Loussavoritch
4. Sourp Stepannots.
Avant d’entrer dans l’église, il fallait
retirer ses chaussures.
Il y avait des casiers individuels côté hommes
et côté femmes.
Il n’y avait ni bancs ni chaises mais des
coussins individuels.
Les femmes se plaçaient dans la galerie.
Les deux premiers rangs étaient achetés par
des familles, à perpétuité.
Ces emplacements pouvaient être revendus.
L’arrière était réservé au reste des ouailles.
Les églises avaient des biens qui leur
rapportaient des revenus destinés à des œuvres
caritatives.
Des logements gratuits étaient réservés aux
veuves et orphelins ainsi que des aides pour
vivre.
Les églises et les écoles étaient construites
en dur. Chaque église était entourée d’une
enceinte avec une grille.
A l’intérieur de cette enceinte se trouvaient
une école de filles, une école de garçons et
une maternelle.
C’était l’église qui délivrait tous les
papiers administratifs.
Autour de ces quatre quartiers il y avait une
cinquantaine de villages dont la population
était en majorité turque. Dans chaque village,
il y avait, selon l’importance de la
population arménienne, une petite église ou
une chapelle.
Seuls les hommes, en principe, parlaient la
langue turque car elle leur était
indispensable pour les contacts
professionnels.
Les femmes et les enfants l’apprirent pendant
l’exode.
Il y avait à Adabazar :
1 une école grecque
Etablissements arméniens
-
4 écoles mixtes et une maternelle
- 1 maternelle protestante 200 élèves – 5
professeurs
- 1 collège de garçons ‘Guetronagan’ :
langues vivantes enseignées : turque,
française, arménienne 200 élèves – 12
professeurs
Une section jeunes filles fut créée par la
suite.
- 1 collège arménien protestant de fille
Hayouyants 120 élèves – 8 professeurs
Langues enseignées : anglais, arménien.
Il y avait de fréquents conflits entre «
Grégoriens » et « Protestants ».
Professions : En 1880, il y avait 100
tanneries.
Arméniens : artisans, ébénistes, filatures,
bijoutiers , charpentiers, cultivateurs,
maçons,
Architectes, industriels, avocats, comédiens,
chanteurs.
80% des commerçants.
Grecs : Briqueterie, poterie.
Turcs : agriculteurs. Faisaient le troc avec
leurs produits de ferme pour acheter des
chaussures, etc. Le troc était un procédé
courant.
Banques : 1 turque - les autres arméniennes.
Médecins : 14 : 1 Turc, 1 Grec, 12 Arméniens
dont 2 doctoresses ayant étudié aux USA.
En 1911, 6 médecins et 6 pharmaciens installés
provisoirement à cause d’une épidémie de
malaria.
La principale activité d’Adabazar était la
filature de la soie, donc la culture du
mûrier.
Les promoteurs ou les personnes ayant étendu
cette industrie furent les frères Boghos et
Bedros Mouradian, l’un était fourreur, l’autre
tailleur.
La qualité exceptionnelle reconnue des
feuilles de mûriers d’Adabazar fait entrevoir
à Boghos d’importants débouchés dans
l’industrie de la soie.
Il se documente sur les différentes techniques
et convainc son frère de se reconvertir en
créant des filatures qui devinrent les plus
importantes d’Adabazar. Celle de Boghos fut
située à l’intérieur de la ville, et celle de
Bedros à l’extérieur.
Par la suite, parmi les 8 usines pour filer la
soie, dont 5 appartenaient à des Arméniens,
les différentes opérations menaient à obtenir
des écheveaux.
Les tissus étaient tissés dans d’autres
villes, dont la plus renommée était Boursa.
Les filatures employaient plus de 1000
personnes dont un très grand nombre, surtout
des femmes, travaillaient à domicile pour les
filatures.
A une certaine période de l’année, les femmes
cassaient des noix. Les cerneaux étaient
exportés.
Il y avait à Adabazar du travail pour toute
personne désirant travailler.
Etant donné l’ampleur que prenait l’industrie
de la soie, de nombreux champs de blé et de
pommes de terre furent convertis en culture de
mûriers (tchamloukh, en arménien).
Boghos Mouradian, père d’Astrid Mouradian, se
rendait à cheval à 100 km à la ronde dans les
forêts réservées à la culture du mûrier et
inspectait l’état des feuilles qui devaient
lui être fournies. La population pouvait
cueillir dans les propriétés les mûres et même
en emporter chez soi, ce fruit ne faisant pas
partie des fruits à vendre.
Le travail dans les filatures était pénible
car pour les différentes opérations, les mains
étaient continuellement en contact avec l’eau
très chaude. Chaque employé travaillait devant
deux éviers, l’un avec un robinet d’eau
chaude, l’autre d’eau froide. Pour pouvoir
travailler, le personnel devait souvent se
passer les mains sous l’eau froide.
Les grains ou œufs de larves étaient posés sur
de grands tamis recouverts de feuilles de
mûriers (méthode Pasteur disait Boghos.)
Lorsque l’on commençait à entendre du bruit
sous les feuilles, c’était le signe que les
grains étaient devenus vers et qu’ils
tissaient le cocon (rosa en patrois d’Adabazar,
dérivé de ipek kozalati, dont la racine koz
signifie noix.)
Lors des différentes opérations, il ne devait
y avoir dans les différentes pièces aucun
parfum, ni odeur de cigarette.
En 1890, les Frères Mouradian exportaient déjà
en France sous le nom de B.B.Mouradian.
Les écheveaux, enveloppés dans du papier de
soie étaient emballés dans des balles cerclées
et livrés à Bianchini, tissus haute couture.
La maison existe peut-être encore…
En 1918, B.B. Mouradian trouvèrent leurs
filatures et maison en bon état, car il les
avaient laissées à un ami turc, mais
lorsqu’ils virent l’état dans lequel était
Adabazar, il préférèrent retourner à Eski-Shéhir,
lieu de leur déportation.
A Adabazar, tout événement était une occasion
pour être fêté. Les réunions familiales
étaient organisées dans de grandes salles de
cafés, ainsi que de nombreuses fêtes
champêtres.
Les mariages duraient neuf jours, du vendredi
au samedi soir ; cérémonie religieuse,
formalités administratives, différentes
réceptions comprenant remises de cadeaux aux
mariés, aux beaux-parents, avec visites
suivies de festivités dans les deux sens.
Les jeunes filles se mariaient entre 14 et 20
ans et les jeunes gens entre 18 et 25 ans.
Les jeunes filles ne pouvaient choisir leur
mari, et devaient vivre chez la belle-famille.
Peu importait le nombre de personnes déjà sur
place, belles- sœurs et enfants.
Dans les villes, on ne comptait pas le nombre
d’habitants, mais le nombre d’habitations
sous-entendu 40 personnes en moyenne chez les
Arméniens, mais moins chez les Turcs car une
fois mariés, les hommes quittent la maison.
Lors d’une certaine cérémonie de mariage de
deux couples à la fois, le curé confondit les
mariées, dont les visages étaient cachés par
leur voile et les plaça pour les bénir, à côté
des maris qui ne leur étaient pas destinés.
A la fin de la cérémonie, lorsque l’erreur fut
constatée, il était trop tard pour assortir
comme prévu les mariés, car ils étaient bénis.
Cet incident ne fut pas trop grave, car
physiquement les couples étaient bien assortis
et étaient de même condition et culture.
Le premier avion se posa à Adabazar en
septembre 1913 ; conduit par deux pilotes
français :
DECOUR et LARUE . Leur itinéraire était :
Paris-Istanbul- Jerusalem – Egypte.
Lorsque l’avion apparut dans le ciel, toute la
population courut affolée par le bruit qui
s’amplifiait lors de la descente. Les
commerçants du bazar quittèrent leurs
boutiques.
Dès que l’avion se posa dans le champ et que
les moteurs s’arrêtèrent, la peur faisant
place à la curiosité, toute la ville,
courageusement se dirigea vers l’avion. Les
pilotes eurent du mal à éloigner tous ceux qui
voulaient toucher l’avion. Chaque personne
connaissant un mot de français voulait
converser.
Les dignitaires arrivèrent à leur tour. En
apprenant la nationalité des aviateurs, ils
furent conduits chez le seul Français d’Adabazar,
M. Franco, et devinrent son hôte.
L’avion fut gardé par des policiers et des
militaires. Le dimanche, une réception digne
de la ville leur fut réservée par toutes les
communautés. Les dignitaires étaient assis.
Les aviateurs effectuèrent un vol en l’honneur
des villageois. L’avion se dirigea vers Armach
et disparut. Il réapparut trois minutes après,
sous les applaudissements de la foule
émerveillée.
Le départ fixé le lendemain fut reporté à
cause de la pluie qui dura dix jours. M. LARUE
eut le temps d’apprécier la fille de son hôte
et ils se fiancèrent.
Le jour de leur départ, l’avion heurta les
chaînes de montagne DAVROS, mais les deux
pilotes furent indemnes. Ils retournèrent en
France en bateau.
Il n’y avait pas de théâtre à Adabazar. Des
troupes d’Istanbul venaient parfois donner des
représentations, qui avaient lieu dans la
salle des fêtes des écoles. Celle de l’école
Nercessian pouvait contenir 200 places.
Les élèves du collège central (Guétrongan)
avaient aussi formé une troupe en 1912, qui
joua « Les Misérables ».
Quant au cinéma, la première projection eu
lieu dans un café en 1906.
Adabazar comptait également de nombreuses
associations sportives, des écrivains, des
poètes, des musiciens.
En juillet 1915, les Arméniens d’Adabazar
furent déportés. Les trois-quarts périrent par
suite de massacres, famines, maladies. Les
rescapés, en 1918, furent de nouveau expulsés
en 1920.
La ville fut définitivement mise à sac.
Un groupe de réfugiés décidèrent en 1960 de
publier leurs souvenirs, sous la direction de
Ardachès Biberian. Ce livre intitulé ADABAZAR
a été édité en Arménien, à compte d’auteur.
Un important chapitre est consacré au parler
d’Adabazar, amalgame d’arménien et de mots
turcs déformés, avec une liste des expressions
et dictons particuliers à cette ville, tout
cela malheureusement sera intraduisible et
disparaîtra avec les derniers survivants.
Vartouhie HALVADJIAN
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